Plaidoyer en faveur d’un statut unique pour tous les médecins

Onze personnalités du monde de la santé viennent de signer une tribune dans laquelle ils se prononcent pour la création d’un statut unique pour tous les médecins français. Pour ses auteurs, aux cinq chantiers ouverts par le gouvernement pour réformer notre système de santé, il faut en ajouter un sixième pour « une réforme en profondeur des statuts actuels des médecins, inadaptés et antagonistes ». 

Claude Evin, avocat, ancien directeur de l’ARS Ile-de-France, ancien ministre de la Santé, Guy Vallancien, ancien chirurgien urologue, membre de l’Académie de médecine, Olivier Le Pennetier, ancien président de l’Inter Syndicale Nationale des Internes (ISNI), Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, Patrick Gasser, président des Spécialistes CSMF, Philippe Boutin, président de la Conférence Nationale des URPS-Médecins Libéraux, Bernard Devulder, ancien doyen de la faculté de médecine de Lille, Christian Anastasy, IGAS, ancien directeur de l’ANAP, Philippe Denormandie, MNH Group, Benoît Péricard, directeur national santé et secteur public KPMG et Didier Haas, consultant, appellent de leurs vœux un statut unique pour tous les médecins.

« Constituant un corps uni pendant leurs études, les médecins subissent une étrange mutation dans leurs premières années d’exercice, en devenant soit des médecins de ville, soit des hospitaliers », c’est-à-dire soit des libéraux soit des salariés, et deviennent dès lors des ennemis quasi irréductibles, soulignent les onze signataires de la tribune, « les uns ayant opté pour l’argent et le risque, les autres pour le service public et la sécurité, selon une présentation caricaturale largement et complaisamment diffusée. » Pour les auteurs, ce « divorce actuel est la source de difficultés considérables ».

« Le constat est double, explique Benoît Péricard. D’une part, des personnes qui ont fait les mêmes études deviennent presque des ennemis, ce qui nuit à une prise en charge coordonnée. D’autre part, sur le terrain, beaucoup d’organisations qui essaient de transcender cette séparation se heurtent à cette barrière des statuts différents. On voit, par exemple, combien il est difficile de faire travailler ensemble un anesthésiste libéral et un praticien hospitalier, du fait de leur statut différent. »

Un statut mixte, salarié et libéral
Ainsi les auteurs de la tribune soulignent que ce « divorce » des statuts « engendre une quasi-impossibilité à concrétiser une prise en charge des patients fondée sur les parcours et non plus sur des actes isolés », alors même qu’ « une nouvelle organisation des soins va de pair avec une modification de la tarification », soulignent-ils en faisant référence à l’un des chantiers lancés par la ministre de la Santé.

Les « obstacles » liés aux divers statuts des médecins entravent les « indispensables coopérations entre hôpitaux et cliniques » constatent les signataires qui observent que pour exercer de la ville vers l’hôpital, les libéraux doivent « s’astreindre à passer des concours », quand « l’avenir est à la certification récurrente des compétences », et qu’à l’inverse, pour exercer en ville, « les hospitaliers doivent changer de statut social et de régime de protection sociale ». Ils soulignent qu’ « à l’étranger, dans nombre de pays industrialisés, les médecins peuvent exercer indifféremment à la ville ou en établissement où ils ont un statut de prestataires ».

« Au Québec, que je connais bien, explique Benoît Péricard, les médecins sont prestataires de l’hôpital – il n’y a pas de cliniques privées au Québec. Ils sont payés par l’équivalent de notre Assurance Maladie environ 600 000 euros par an et peuvent être employés indifféremment par les centres de santé ou les hôpitaux. »

Les onze signataires de la tribune plaident donc en faveur de la création d’un « statut mixte » qui serait « en même temps salarié et en même temps libéral », permettant l’exercice du médecin, quel que soit son lieu. Ce que seraient les modalités de ce futur statut mixte, ils n’en disent rien. « J’ai personnellement quelques idées sur la question, indique Benoît Péricard, mais je crois qu’il faut dans un premier temps une phase un peu politique d’appropriation de l’idée. Pour le moment, notre tribune a reçu un retour informel plutôt sympathique du ministère, rien de net. Mais c’est un chantier de fonds qu’il faut approfondir. Et ce qui est sûr, c’est que les jeunes médecins souhaitent cette transversalité. »

Comme semble le démontrer les évolutions démographiques récentes selon le dernier atlas démographique de l’Ordre, les effectifs salariés ont crû de plus de 10 % ces dix dernières années tandis que ceux des libéraux ont diminué dans les mêmes proportions. Mais surtout, dans le même temps, les médecins sont de plus en plus nombreux (+ 9,7 %) à opter pour l’exercice mixte.

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