Projet de loi de santé : entretien avec Patrick Gasser (UMESPE)

Pour le président de l’Union des MEdecins SPEcialistes (UMESP-CSMF), le projet de loi de santé, qui ne fait aucune place à la médecine spécialisée de ville, est inacceptable. Les spécialistes confédérés appellent leurs confrères à refuser de pratiquer le tiers-payant généralisé obligatoire. 

Gasser encadré 600
© Pascal Wolff

381 – Après le vote du projet de loi de santé par les députés, la mobilisation des médecins libéraux est-elle toujours forte ?

Patrick Gasser. La mobilisation reste totale et sur le terrain nos confrères en attendent beaucoup de notre lutte contre cette loi défavorable aux médecins en général et au médecins spécialistes en particulier, au sujet de laquelle on ne trouve pas un mot dans le texte.

Comment peut-on faire du soin sans la médecine spécialisée ? Le grand virage ambulatoire est à prendre, pas seulement avec les médecins généralistes, mais aussi avec les spécialistes de proximité.

Ce qui est mis en place par ce projet de loi, sous des prétextes d’organisation de parcours et de proximité, c’est un système de gatekeeper. Mais on ne fait pas de l’efficience uniquement avec de la proximité, mais avec un lien fort entre le médecin généraliste et le spécialiste. On définit une prise en charge de la population dans la loi, mais on ne parle que du généraliste, pas du deuxième recours de proximité qu’est le spécialiste de ville. Il y a là, soit la volonté d’écarter les spécialistes du parcours de soins, soit une méconnaissance du rôle fondamental des spécialistes, ce qui revient à se priver de l’expertise des trois quarts des spécialistes.

Alors, oui, la mobilisation n’est pas terminée, parce que le débat sur le texte n’est pas terminé. Il est discuté au Sénat et nous ne manquerons pas de faire comprendre aux sénateurs les enjeux de cet oubli majeur de la médecine spécialisée.

Par ailleurs, la généralisation du tiers-payant a focalisé le mécontentement des médecins, mais d’autres points sont tout autant critiquables. Celui du Service Public Hospitalier (SPH), par exemple : la possibilité de dépassement d’honoraires existe dans le public, mais pas dans le privé dès lors que le privé prétend au SPH, c’est aberrant ! Si cela reste en l’état, l’UMESPE accompagnera un recours en Conseil d’Etat.

Certains syndicats appellent à un « blocage sanitaire ». L’UMESPE accompagnera-t-elle ce mot d’ordre ?

P. G. Je suis pragmatique : cela ne marchera pas. L’UMESPE ne s’associera pas à un tel mot d’ordre, pas plus qu’elle ne s’associera à un mot d’ordre de déconventionnement. En revanche, nous appelons les médecins à la désobéissance civile, c’est-à-dire à ne pas appliquer le tiers-payant obligatoire, sauf le tiers payant social, que nous pratiquons déjà et auquel nous sommes favorables.

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