Qui veut la peau de la télésurveillance en cardiologie ?

Le passage de la télésurveillance dans le droit commun s’accompagne d’une diminution des forfaits pour la télésurveillance de l’insuffisance cardiaque et des pacemakers. Au risque de remettre en question son utilisation.

La télésurveillance (TS) a été lancée en 2017 à travers l’expérimentation ETAPES (expérimentations de télémédecine pour l’amélioration des parcours en santé) qui a permis sa prise en charge dérogatoire dans cinq pathologies : le diabète, l’insuffisance cardiaque, l’insuffisance rénale, l’insuffisance respiratoire et la surveillance des prothèses cardiaques.

La TS de l’insuffisance cardiaque concerne aujourd’hui 18I000 patients (moins de 1I000 pour les autres pathologies). Plusieurs études démontrent qu’avec des alertes bien faites, on peut éviter les hospitalisations et augmenter l’espérance de vie des patients.

ETAPES : partage des tâches et des forfaits

Dans le cadre d’ETAPES, un forfait était alloué à l’équipe soignante en cardiologie et à l’industriel, celui-ci se chargeant de la formation des patients pour la prise en main du dispositif et de la gestion des pré-alertes. Les forfaits s’élevaient à 170I€ pour la TS de l’insuffisance cardiaque et 65I€ pour celle des pacemakers (PM) sur six mois.

Le droit commun : travailler plus pour gagner moins

Le programme ETAPES arrivant à son terme, les négociations sont en cours pour définir les modalités du passage de la TS dans le droit commun et son utilisation pour le suivi de l’ensemble des pathologies. Or, pour la cardiologie, la proposition actuelle comporte notamment la diminution des forfaits (168I€ pour la télésurveillance de l’IC et 60I€ pour celle des pacemakers), une augmentation des tâches administratives (facturation mensuelle et non plus semestrielle, soit six fois plus de factures à faire puis à traiter) et un transfert de tâches des industriels vers les équipes soignantes qui seraient désormais chargées de gérer le paramétrage du dispositif, la formation du patient au dispositif et la gestion des événements artéfactuels et des pré-alertes.

Des conséquences prévisibles

Plusieurs scénarios se profilent :

  • la diminution de la TS ou sa reprise par des structures qui suivront les patients et traiteront les données hors hexagone, favorisant une médecine low costI;
  • la nécessité de convoquer plus souvent les patients et donc de diminuer l’offre de soins disponible, dans un contexte de pénurie des soignants.

L’industriel historique de la télésurveillance, Air Liquide, a déjà annoncé sa décision de quitter le marché français, laissant la place aux start-ups condamnées à faire du chiffre et du volume pour asseoir leur pérennité, parfois au détriment de la qualité.

Face à cette situation, le SNC avec le CNPCV, le groupe d’insuffisance cardiaque de la SFC et les association de patients, se sont mobilisés et ont écrit plusieurs courriers au président de la République, à la Première ministre ainsi qu’au ministre de la Santé. Ceux-ci demeurent sans réponse.

Nous voulions croire en la promesse d’une France à la pointe de la technologie en santé. La potion est amère.

Nathalie Zenou

© RessMaster

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