Savoir analyser la littérature médicale [7]

Une personne a des céphalées. Donnons-lui le traitement Y et attendons de voir si sa céphalée disparait. Si la céphalée passe en 10 minutes, que conclure ? En début d’épidémie grippale, un vaccin antigrippe est administré à une personne de 70 ans. La personne consulte 8 – voire 21 jours après – avec de la fièvre et un écoulement nasal : que conclure ? Et si, dans ce même délai, elle fait un AVC, que conclure ? Dans cette partie, nous envisagerons les réponses possibles à ces deux questions.

Par François Diévart. Elsan clinique Villette, Dunkerque

7e PARTIE : les limites du rapport chronologique entre administration d’un traitement et constatation d’un effet clinique

 

Disparition des symptômes

 

Dans le cas de la disparition de symptômes après l’administration d’un traitement, on pourrait penser que la chronologie des faits, appuyée par la notion que le traitement prescrit est supposé agir contre les céphalées, permet de conclure que c’est l’efficacité intrinsèque du traitement qui a permis la disparition des symptômes. Mais ce serait un raccourci hâtif et présomptueux, même si « l’expérience » reproduite plusieurs fois arrive aux mêmes effets.

Car les symptômes peuvent avoir disparu pour plusieurs raisons.

  • La première est l’effet-temps, c’est-à-dire que, spontanément, ils ont pu disparaître et ils auraient d’ailleurs disparu sans administration d’un quelconque traitement.
  • La deuxième est l’effet-patient : on pourrait assimiler cela à une certaine susceptibilité du patient au fait qu’il ait été pris en charge par un médecin ou un personnel soignant. 
  • La troisième est l’effet-médecin. Ici, plusieurs mécanismes peuvent entrer en jeu. L’un est tout simplement l’effet de persuasion ou de réassurance du médecin « prenez ceci, c’est un nouveau traitement, très efficace ». L’autre est un biais cognitif appelé « biais de halo ». Ce biais consiste à attribuer des qualités (ou des défauts) à une personne en fonction de ses qualités ou défauts présupposés. Si le médecin est paré des qualités de guérisseur et qu’il a une blouse blanche, il peut exercer un effet de compétence, d’autorité et de réassurance sur le patient permettant la disparition des symptômes.
  • La quatrième raison pouvant conduire à la disparition des symptômes est ce qui est appelé effet-placebo, qui, probablement pour une certaine part contient un effet-patient et un effet-médecin. Enfin, la cinquième raison est l’efficacité intrinsèque du traitement ou effet thérapeutique.

Ainsi, lorsqu’on constate un effet particulier après l’administration d’un traitement quelconque, il est difficile de savoir ce qui revient réellement à l’effet thérapeutique ou à divers autres effets plus ou moins conjugués.

Apparition d’un événement clinique jugé défavorable

 

De même si, en place d’une disparition de symptômes, il se produit un effet défavorable après l’administration d’un traitement quelconque, peut-on être sûr qu’il y a un lien de causalité entre les deux événements ? En reprenant l’exemple mis en exergue ici, s’il apparait une fièvre et un écoulement nasal quelques temps après une vaccination antigrippale, que conclure ? Que le vaccin en est la cause ? Que le vaccin n’a pas protégé contre la grippe, si tant est que les symptômes révèlent une grippe ? Le délai a-t-il son importance dans la causalité potentielle ?

Plus encore, si l’événement apparu est un AVC, comment juger de la causalité potentielle entre le vaccin et cet AVC ? Peut-il s’agir d’une simple coïncidence ? D’un effet direct du vaccin ? D’un effet indirect médié par des phénomènes inflammatoires ou immunitaires ? Quel aurait été le risque d’AVC de la personne sans le vaccin ? Quel aurait été son risque en cas de survenue d’une grippe alors qu’elle a été vaccinée ou alors qu’elle n’a pas été vaccinée ?

En synthèse

 

Malgré le caractère intuitif liant un événement à un autre par le simple fait qu’ils se succèdent dans le temps, le simple rapport chronologique entre l’administration d’un traitement et un événement clinique constaté, favorable ou non, ne permet pas d’établir un lien de causalité entre les deux éléments. Sauf dans quelques cas rares et précis comme par exemple, le choc électrique en cas de troubles du rythme.

Cela a été une grande avancée de la recherche clinique d’avoir démontré qu’il existe de multiples causes possibles à un phénomène, quel qu’il soit, apparaissant après l’administration d’un traitement. Ces causes ont reçu divers qualificatifs autour du nom « effet » et ne sont pas l’effet thérapeutique spécifique du traitement, raison pour laquelle elles sont qualifiées d’effets parasites.

Pour connaître l’effet thérapeutique, c’est-à-dire pour savoir si un traitement est efficace ou délétère, il faut donc trouver, construire, élaborer une méthode (voire plusieurs) permettant de savoir s’il est possible d’attribuer un effet particulier à un traitement particulier et donc un modèle permettant de trier parmi les causes d’un phénomène survenant sous traitement ce qui revient réellement à l’effet thérapeutique et ce qui est la conséquence d’effets parasites.

 

 
 

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