Savoir analyser la littérature médicale [9]

L’effet placebo est une réalité démontrée. Il peut se résumer à l’enregistrement d’un effet clinique après administration d’une substance dépourvue de principe pharmacologique ou après une action physique dénuée d’action thérapeutique telle une procédure simulée. Une part de l’effet placebo est liée à ce qui est appelé « effet-médecin » ou façon dont le traitement est prescrit. Deux expériences ayant évalué cette part seront rapportées ici.

Par François Diévart. Elsan clinique Villette, Dunkerque

9e PARTIE : l’effet médecin et l’effet-patient dans l’effet placebo

 

La douleur postopératoire

Deux études ont reposé sur un même principe : par randomisation, des patients, qui sont tous perfusés après une chirurgie, reçoivent un même antalgique à la même dose, soit à leur insu par une pompe automatique, soit par un médecin ou un personnel paramédical tout en leur disant qu’on leur injecte l’antalgique. La douleur est quantifiée à intervalle régulier dans les deux groupes par une échelle d’évaluation visuelle analogique (EVA).

Les deux études, l’une conduite avec le métamizole, l’autre avec la burprénorphine, ont des résultats similaires à quelques nuances près (figure ci-dessous). Dans les deux études, la douleur a diminué de façon plus ample et plus rapide lorsque l’injection d’antalgique a été faite au vu et su du patient que quand elle a été faite à son insu et les différences entre les groupes comparés sont significatives.

Dans la première étude, l’injection faite à l’insu du patient n’apporte aucun soulagement alors que, faite à sa vue, elle est efficace de façon prolongée à diminuer la douleur. Cela démontre la réalité de l’effet-médecin ou effet-patient : la perception de l’efficacité d’un traitement par le patient est inscrite dans le rapport soignant-soigné.

Dans la deuxième étude, sous traitement injecté à l’insu du sujet, il y a une diminution progressive de la douleur, mais on ne sait si elle résulte de l’effet du traitement ou de l’effet-temps, c’est-à-dire de la diminution progressive et naturelle de la douleur avec le temps. Ici, pour quantifier l’effet réel du traitement, il aurait fallu un troisième groupe recevant un réel placebo. Quoi qu’il en soit, lorsque le traitement est administré au vu et su du patient, la diminution de la douleur est plus rapide et plus ample, rendant encore compte d’un effet-médecin ou effet-patient. 

Dans l’expérience rapportée dans le numéro précédent du Cardiologue, il avait été utilisé un placebo dans tous les groupes comparés alors qu’ici, il est utilisé un principe actif équivalent dans les groupes comparés en ne modifiant qu’une variable, le fait que le patient sache ou non qu’il reçoit un traitement. Ainsi, ces études démontrent qu’il y a une part de la psychologie du patient qui entre en compte dans l’effet produit par un traitement… ou par un placebo. Si cela pose problème pour connaître l’effet réel d’un traitement, cela a une implication pratique pour le médecin.

Figure. Quantification de la douleur posopératoire chez des patients ayant vu qu’ils avaient eu une injection d’antalgiques et chez des patients ayant eu la même injection à leur insu.

L’effet-médeco, à bon escient

Ainsi, des études contrôlées ont cherché à quantifier l’effet de la relation patient-médecin sur certaines variables objectives, telle l’évolution de la pression artérielle. Dans ces études, un groupe de médecin devait agir de façon usuelle et l’autre devait modifier sa relation avec le patient au terme d’un entraînement à une meilleure communication, une augmentation de l’empathie, une plus grande attention aux signes non-verbaux, un évitement de l’interruption de parole, une position assise, le regard dans les yeux…

Une métaanalyse de 13 études contrôlées de ce type est parue en 2014 [1]. Elle montre que quand le médecin regarde le patient dans les yeux, lui donne le temps de décrire ses symptômes sans l’interrompre, lui pose des questions ouvertes plutôt que fermées, il y a une plus grande diminution de la pression artérielle, du poids ou de scores d’intensité douloureuse qu’en l’absence d’un tel comportement, tous éléments de prise en charge pharmacologiques étant équivalents entre les groupes comparés.

 

 

image_pdfimage_print