Tachycardie paroxystique et Applewatch 4.4

Dans certains cas, les objets connectés équipés d’un capteur électrique de l’électrocradiogramme peuvent être d’une aide importante de par leur facilité d’utilisation. Nous faisons cas ici d’un patient avec antécédents équipé d’une Applewatch.

Cas clinique

Homme de 71 ans, pléthorique, hypertendu, diabétique traité entre autres par hypoglycémiants oraux, sartan, diurétiques dont spironolactone et statine.

Antécédents de crises de tachycardies paroxystiques de type Bouveret documentées de longue date (figure 1). Ces troubles du rythme sont assez peu fréquents (moins d’une crise par trimestre) et les crises sont pratiquement toujours réduites par une manœuvre de Valsalva autogérée. Leurs durées sont de fait assez brèves entre quelques dizaines de secondes et quelques minutes. Une seule crise a été plus prolongée (90 mn) mais elle a cédé spontanément. De fait, la décision partagée entre le patient et son expert rythmologue a été ni de l’explorer ni de la traiter au long cours.

Alors que le patient était depuis peu en possession d’une Applewatch 4.4 version iOS 12.2 équipée de l’application de détection des accès de fibrillation auriculaire, il ressent le 22 avril 2019 plusieurs accès brefs. 

La facilité d’utilisation de la montre et de l’application lui permet de faire immédiatement un enregistrement électrique ECG, durant 30 s consécutives, correspondant à une dérivation D1 entre la face postérieure du boitier (dos du poignet gauche) et l’index droit au contact de la molette métallique de la montre. 

Dans le cas présent, le début des enregistrements ECG (figures 2 et 3) de très bonne qualité montre une tachycardie régulière à QRS fins proche de 150/mn, sans onde P clairement individualisable.

Après une manœuvre de Valsalva, on note, sur les deux enregistrements, une réduction brutale de la tachycardie avec sans doute un échappement jonctionnel, avec pauses respectivement à 1800 ms et 2400 ms, puis une restitution progressive d’une bradycardie sinusale autour de 50/mn.

Ces enregistrements sont immédiatement disponibles sur l’iPhone sous forme de pdf transférables si nécessaire sans retard à l’équipe médicale.

L’analyse automatique précise « fréquences cardiaques moyennes respectivement à 89/mn et à 95/mn. Aucun signe de fibrillation auriculaire »

COMMENTAIRES
Les plus

  • Grande simplicité et réactivité d’utilisation permettant des enregistrements ubiquitaires et instantanés.
  • Très grande qualité des enregistrements.
  • La capacité instantanée de transfert des fichiers ECG au cardiologue ou à son équipe.
  • Diagnostic positif : exact, c’est-à-dire effectivement pas d’AC*FA.

Les moins

  • Fréquences cardiaques moyennées sur les 30 secondes, ne prenant donc pas en compte les deux séquences très différentes de tachycardie et de bradycardie.
  • Limites : aucun élément diagnostic autre que la FA.

Discussion

L’algorithme de détection de la fibrillation a été validée scientifiquement [1] sur de grandes séries par des équipes de cardiologues prestigieuses…

Jusqu’à présent, il s’agissait d’une analyse faite à partir d’un recueil photopléthysmographique à partir de capteurs situés sur la partie arrière du boitier, avec une reconstitution virtuelle de la trace ECG.

Maintenant, il s’agit de l’enregistrement d’une dérivation électromyographique type D1 qui permet d’analyser réellement le tracé, avec la réserve d’une dérivation unique.

Dans le cas présent, il ne s’agit pas à l’évidence d’une TAC*FA, mais la qualité de l’enregistrement permet au cardiologue de faire aisément un diagnostic rythmique.

D’autres applications proposent avec des différents dispositifs connectés à une dérivation, comme Kardiamobile par exemple, une analyse algorithmique analogue, ayant également fait des études de validation multicentrique.[2] Dans l’étude en référence, l’analyse de l’enregistrement par un cardiologue permet une spécificité et la sensibilité diagnostique de 100 % par rapport à un ECG 12 dérivations. 

L’algorithme seul apportait un diagnostic positif dans 87 % des cas de FA et de 97,9 % de valeur prédictive négative. En revanche les performances sont nettement moins solides pour les autres troubles du rythme et surtout les troubles de conduction.

Mais ce qui est important, comme le soulignait l’expert rythmologue du patient en question, c’est moins le diagnostic de l’algorithme que la qualité du tracé… ce qui laisse encore une place prépondérante au cardiologue. n

Jean-François Thébaut – Paris

(1) M.P. Turakhia. Rationale and design of a large-scale, app-based study to identify cardiac arrhythmias using a smartwatch: The Apple Heart Study-AHJ ;207, January 2019,66-75
(2) J. C. L. Himmelreich Diagnostic Accuracy of a Smartphone-Operated, Single-Lead Electrocardiography Device for Detection of Rhythm and Conduction Abnormalities in Primary Care he Annals of Family Medicine 17(5):403-411 · September 2019

Figure 1. Tracé ECG de 2009.
Figures 2 et 3. Enregistrements de l’ECG sur l’AppleWatch.
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