TAVI : le succès qui engendre des pertes de chance

Mis au point à Rouen il y a 20 ans, le TAVI est aujourd’hui le traitement de choix pour traiter le rétrécissement aortique. Victime du succès de cette technique, les centres qui la pratiquent font face à des listes d’attentes de plusieurs mois, parfois au détriment de la survie des patients.

Entretien avec les Drs Mohammed Abdellaoui (Grenoble-Lyon) et Matthieu Godin (Clinique Saint-Hilaire – Rouen).

Les avantages du TAVI sont connus : il permet non seulement de réduire le risque global de saignement et de survenue d’un AVC par rapport à la chirurgie, mais il améliore également l’espérance de vie des patients qui en bénéficient, sans parler de leur confort.

Il en résulte que son indication s’est peu à peu élargie à la grande majorité des patients concernés par un rétrécissement aortique serré, quel que soit leur risque chirurgical : la stratégie est passée de « chirurgie si possible, TAVI si nécessaire » à l’inverse. La demande est telle qu’en 2021, 54 centres ont posé 16 500 TAVI. Malheureusement, le système de santé n’a pas anticipé cette évolution et les centres, déjà confrontés à la gestion de listes d’attente qui s’allongent, voient maintenant survenir des décès de patients en attente de TAVI. Ainsi, à Rouen, les délais d’attente des patients de la clinique atteignent maintenant 6 mois, 14 patients sont décédés alors qu’ils attendaient leur TAVI en 2022. Cela représente 10 % des patients implantés dans cette filière et le futur immédiat est inquiétant à court terme avec plus de 70 patients sur liste d’attente.

Les pouvoirs publics absents

Malgré ces chiffres préoccupants et l’explosion de la demande, les pouvoirs publics ne se saisissent pas de la question et l’ouverture de nouveaux centres fait l’objet de débats au sein de la profession. A l’heure actuelle, les centres réalisant la pose des TAVI sont soumis à des autorisations très strictes, dépendant notamment de la présence d’une unité de chirurgie cardiaque dans les mêmes locaux. Pourtant, 40 % des cardiologues réalisant les TAVI travaillent ailleurs qu’en centre chirurgical et sur les 16 500 TAVI posées en 2021, seulement 0,3 % ont nécessité une conversion chirurgicale. On pourrait donc imaginer de nouvelles règles permettant la pose de TAVI pour des patients sélectionnés dans des centres à haut volume sans chirurgie cardiaque pour assurer l’expertise des praticiens et la sécurité des patients.

Afin de disposer de données factuelles, le Dr Abdellaoui prévoit de mener une enquête début 2023 pour identifier les listes d’attentes, dénombrer les patients en attente de TAVI et recenser le nombre de patients décédés alors qu’ils étaient en attente d’un TAVI en France. Il espère pouvoir ainsi faire bouger les lignes et répondre aux besoins des patients.

Nathalie Zenou

© Science Anm-Depositphotos

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