Télémédecine et e-consultation : des ambiguïtés à lever

Le nombre de e-consultations devrait exploser dans les années à venir. © Fotolia

Selon une étude du cabinet conseil Deloitte, les médecins du monde entier réaliseront cette année 100 millions de consultations par internet, soit une augmentation de 400 % en deux ans de temps. Cette estimation est basée sur les ventes mondiales de smartphones, tablettes, ordinateurs personnels, téléviseurs et consoles vidéos qui dépasseront cette année 541 milliards d’euros (soit 36 milliards de plus qu’en 2013) et sur le constat d’un usage généralisé d’internet y compris les personnes âgées de plus en plus familiarisées avec ces technologies. Selon cette étude, les Américains et les Canadiens pourraient comptabiliser jusqu’à 75 millions de ces consultations par internet en 2014. Les médecins généralistes de ces deux pays accueillent chaque année 600 millions de patients dans leurs cabinet et environ une fois sur deux, il s’agit de cas « qui pourraient se résoudre avec une consultation virtuelle », selon l’étude Deloitte.

En quoi consistent ces « eVisits » ?

Via formulaires et questionnaires voire photographies, le patient à distance délivre un certain nombre d’informations au praticien qui délivre alors un diagnostic et prescription en dehors de tout entretien en tête à tête. Sont-elles une réalité en France ? Depuis la parution, en octobre 2010, du décret relatif à la télémédecine, une certaine ambiguïté s’est fait jour. « L’ambiguïté est entretenue par des sociétés qui proposent du télé-conseil personnalisé, explique Jacques Lucas, vice-président du Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) et délégué aux systèmes d’information en santé. Le téléconseil consiste à se connecter à un site, à s’identifier par sa carte bancaire et à obtenir un conseil d’un médecin après avoir fourni certaines informations. Ce genre d’activité existe dans d’autres pays comme la Suisse qui, par une plate-forme, pratique la régulation et l’orientation, comme le fait le centre 15 en France. Mais des sites se sont proposés de faire plus et certains proposent même un deuxième avis, ce qui provoque une extrême circonspection de l’Ordre. Il faut rappeler que le téléconseil n’entre pas dans le cadre du décret sur la télémédecine qui impose une contractualisation territoriale avec l’ARS, et nous demandons au ministère de la Santé de réguler ce téléconseil personnalisé. Quand un patient téléphone à son cardiologue pour en obtenir un avis ou un conseil, il le connaît et son cardiologue le connaît. Pour autant, cette activité n’est pas rémunérée et pas prise en charge par l’Assurance Maladie et des contentieux sont toujours possibles en cas de problème. On ne peut donc pas proposer des sites de télé-conseil personnalisé rémunéré quand dans le même temps, la même activité entre un patient et un médecin se connaissant est prohibée. »

Ainsi, dans le domaine de la cardiologie, Jacques Lucas précise que l’interprétation d’ECG par une plate-forme à distance doit se faire dans le cadre de la télémédecine, que les spécialistes qui la pratiquent doivent avoir les qualifications requises et être assurés en responsabilité professionnelle. « Nous avons fait condamner une société qui a cessé son activité d’interprétation d’ECG à distance : les qualifications des médecins employés ne répondaient pas aux critères de l’exercice légal de la médecine en France. En outre, c’était le médecin généraliste qui facturait l’acte, ce dont le syndicat s’était ému à juste titre. Plus généralement, l’Ordre et le Conseil National Professionnel de Cardiologie (CNPC) travaillent ensemble pour qu’un modèle de télémédecine en cardiologie soit décliné dans le cadre de protocoles élaborés par le CNPC pour différents actes, comme cela a déjà été fait pour la télésurveillance des porteurs de défibrillateurs ou de pacemakers. »

Dans un but de clarification qui visiblement s’impose, le CNOM va publier un « vade-mecum de la télémédecine ». Cette publication devrait suivre le prochain Conseil national qui se tiendra au mois de juin.

Catherine Sanfourche

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