Tiers-payant généralisé : Le (grand) chantier est ouvert

370 – Hubert Garrigue-Guyonnaud a été nommé directeur de projet et un comité d’orientation a été installé par Marisol Touraine pour imaginer le dispositif simple et efficace qui doit permettre la généralisation du tiers-payant à la fin 2017. Outre les difficultés techniques, le directeur devra convaincre du bien-fondé de ce projet des médecins libéraux pour le moins réticents.

Point fort de la Stratégie Nationale de Santé, on ne peut pas dire que la généralisation du tiers-payant annoncée par Marisol Touraine comme devant être effectif à la fin 2017 a enthousiasmé les médecins. La CSMF a redit récemment son opposition à « la généralisation d’une usine à gaz qui se fera aux dépens des médecins car elle est techniquement impraticable ». A ce dispositif complexe et coûteux pour les payeurs (les centres de santé mutualistes l’ont chiffré à 3,50 euros par actes), la Confédération préfère de beaucoup sa « solution monétique à débit différé santé généralisé à tous les établissements bancaires » et invite le Gouvernement à soutenir ce projet. « Non au consumérisme médical », tranche le Syndicat des Médecins Libéraux (SML) qui « s’oppose à la généralisation du tiers-payant et réclame de toute urgence un choc de revalorisation ». Même opposition de principe à la Fédération des Médecins de France (FMF), dont le président, Jean-Paul Hamon, estime que le tiers-payant doit dépendre du souhait de chaque professionnel et reposer sur un guichet unique, « c’est-à-dire la CNAMTS, comme pour la CMU ». Et même MG France, favorable sur le fond à la généralisation du tiers-payant, souligne que les médecins généralistes n’ont ni le temps, ni le personnel, ni le moyens pur vérifier les droits des patients et avertit les pouvoirs publics qu’il s’opposera « à tout dispositif qui ne serait pas simple, complet et garanti ».

Une réforme pour 110 000 médecins, et près de 500 organismes d’Assurance Maladie

C’est assez dire que la tâche de Hubert Garrigue-Guyonnaud, inspecteur des Affaires sociales, nommé par Marisol Touraine directeur du projet pour la généralisation du tiers-payant, sera difficile. Des travaux qu’il va mener avec les acteurs concernés doivent « émerger dans les mois qui viennent les options stratégiques et techniques qui permettront de mettre en place un système simple et sécurisé, tant pour les médecins que pour les patients ».

Plus facile à dire qu’à concrétiser ! Un rapport de l’IGAS de juillet dernier sur le sujet, qui a été dévoilé au lendemain de la nomination de Hubert Garrigue-Guyonnaud, indique en effet que la réforme concernera environ 110  000 médecins et près de 500 organismes d’Assurance Maladie, pour un volume de 500 millions d’actes annuels.

L’IGAS préconise de généraliser le tiers-payant « à hauteur du montant couvert par les complémentaires », en autorisant l’Assurance Maladie à prélever directement sur le compte bancaire de l’assuré la participation forfaitaire de 1 euro sur les consultations (800 millions par an).

Mais le futur dispositif devra éviter trois risques :

– un risque de trésorerie pour les médecins du fait de délais excessifs de remboursement ;

– un risque de perte financière en cas d’absence de droits ouverts du patient ;

– un risque de surcharge administrative liée au recoupement entre factures émises et paiements reçus.

L’IGAS suggère donc d’aller vers un « contrôle des droits en ligne  de l’assuré » par le médecin et d’opter pour un éclatement par le praticien des flux de données entre Assurance Maladie obligatoire et complémentaires. Mais pour que ce routage soit acceptable par les médecins, il faudrait que les complémentaires se rassemblent ou externalisent la gestion du tiers-payant vers l’un des quatre principaux opérateurs nationaux, dans « un environnement technique stabilisé » voire simplifié. De son côté, l’Assurance Maladie devrait regrouper ses « usines de liquidation ». On le voit, le chantier est vaste…

Marisol Touraine a installé récemment un comité d’orientation sur le tiers-payant qui a pour mission « d’accompagner les choix stratégiques et techniques qui seront faits dans les prochain mois » et de « construire la feuille de route opérationnelle, dans un calendrier exigeant, en accord avec les principaux acteurs du dossiers ». Les premières décisions sont attendues dès ce printemps, puisque à la fin de l’année la généralisation du tiers-payant doit être mise en place pour les bénéficiaires de l’Aide Complémentaire Santé (ACS), soit 4,7 millions de personnes potentiellement éligibles.

image_pdfimage_print