Vigilance et bon usage du médicament : réorganisation générale en 2014

365 – Marisol Touraine a annoncé que la réorganisation des dispositifs de vigilance sanitaire fera partie de la loi de santé publique qui sera présentée l’année prochaine. Elle s’inspirera du rapport de Jean-Yves Grall et de celui des Prs Bégaud et Costagliola

 « Le système de surveillance sanitaire a été essentiellement construit par strates successives parfois en réaction à des crises, de fait sans cohérence globale. » C’est le constat, sévère mais juste, que fait Jean-Yves Grall, le Directeur général de la santé dans le rapport qui lui a été commandé en janvier dernier par Marisol Touraine et qu’il a remis depuis peu à la ministre. Et les épisodes de crises sanitaires plus récents – sur-radiations, Médiator et prothèses PIP – auraient pu ajouter de nouvelles strates… Mais la volonté gouvernementale a penché pour une refonte globale du système, d’où la mission confiée à Jean-Yves Grall et qui porte donc sur la pharmacovigilance, la matériovigilance, mais aussi sur la vigilance en matière d’infection, notamment nosocomiale, et sur la radioprotection.

De cette construction en strates de notre système résulte que « le partage des compétences en matière de vigilances est éclaté entre plusieurs agences nationales » et qu’une organisation « en tuyaux d’orgue » avec « des circuits très cloisonnés » ne peut que présenter « une inadaptation à la déclaration des citoyens et des professionnels de santé », conclut Jean-Yves Grall. C’est donc très logiquement qu’il prône « une organisation cible clarifiée dans une stratégie nationale de sécurité sanitaire », qui doit d’abord passer par la création d’un « portail commun multicanal de déclaration, ouvert aux professionnels de santé, à la population, aux industriels et aux structures notamment de vigilance sur un périmètre large de signaux sanitaires (ensemble des événements indésirables dans le champ sanitaire) ». Une déclaration simplifiée des effets indésirables devrait accompagner la création de ce portail commun, ainsi qu’une « rétro-information » des déclarants.

Des GRAVES en région

Pour améliorer et simplifier le dispositif de surveillance en région, Jean-Yves Grall préconise de faire des ARS les pilotes de la sécurité sanitaire et « de regrouper les multiples entités régionales actuellement impliquées dans la surveillance sanitaire et dans la sécurité-qualité au sein d’un Groupement Régional d’Appui à la Veille et à l’Evaluation Sanitaire (GRAVES) ». Au niveau national, il recommande une « agence pivot de sécurité des produits, l’ANSM élargie, une agence vigie, l’InVS, et une Haute Autorité sous contrat avec l’Etat pour des objectifs de pertinence et d’analyse des prises en charge ». La gouvernance nationale reviendrait à la DGS. Jean-Yves Grall estime que le chantier du portail commun pourrait s’ouvrir dès l’année prochaine tout comme celui des GRAVES qui pourraient être rodés dans quelques régions pilotes, pour un déploiement du dispositif achevé en 2016. « L’organisation cible, avec notamment les logiques de dématérialisation », et la « mutualisation importante des missions » en région devraient permettre « une organisation à moyens en ressources humaines constants », estime l’ex-DGS, puisque Jean-Yves Grall est, depuis le 1er octobre, le directeur de l’ARS Nord-Pas-de-Calais.

 

Médicament : le bon usage n’est pas évalué en France

En parallèle au rapport de Jean-Yves Grall, les Prs Bernard Bégaud (1) et Dominique Costagliola (2) ont rédigé le leur sur « la surveillance et la promotion du bon usage du médicament en France ». Dans ce domaine, leur constat n’est pas tendre non plus, puisque, si aucune étude « d’envergure et rigoureuse » ne permet de chiffrer le mésusage des médicaments, ils estiment qu’il coûte plus de 10 milliards d’euros chaque année, cette estimation incluant les remboursements non justifiés, les consultations et actes biologiques induits et les dépenses consécutives aux maladies mal prises en charge et la iatrogénie évitable. Les auteurs du rapport citent l’exemple des psychotropes pour lesquels, outre une surconsommation évidente, on observe des durées de prescription deux à sept fois plus longues que celles recommandées. Ils citent également celui des statines dont le niveau de consommation « interroge » car elle semble majoritairement en prévention primaire, indication pour laquelle « la prescription par excès semble patente ».

Bernard Bégaud et Dominique Costagliola recommandent « d’agir sur deux leviers qui constituent des préalables essentiels : la création, indispensable, d’une structure organisant et facilitant l’accès, pour les autorités sanitaires et les chercheurs (dont le rôle d’appui méthodologique et de lanceurs d’alerte est essentiel), aux différentes sources de données en santé pertinentes en ce domaine et une meilleure formation et information des professionnels de santé et du grand public, bien mal préparés en France aux principes de base de la bonne prescription et du bon usage des produits de santé ». Ils préconisent notamment que l’usage rationnel des produits de santé fasse partie intégrante des prérequis à valider lors de l’examen classant nationale (ECN) de fin d’études médicales.

(1) INSERM U657, université Victor Segalen Bordeaux II.
(2) INSERM UMR S 943, université Pierre et Marie Curie, Paris.
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