Le rapport de la Haute Autorité de Santé explorant plusieurs scénarios de réforme de la mécanique des ALD n’est pas le premier du genre. Le Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie, qui depuis 2004 constitue un peu le Parlement de la réforme au motif qu’il réunit tous les acteurs, a consacré deux rapports au sujet, en juillet 2006 et de 2007. La Cour des Comptes ellemême avait exhorté le gouvernement de l’époque à engager la réforme dans son rapport de l’automne 2006, et la Caisse d’Assurance Maladie a relayé cette intention l’été dernier. Le récent rapport de la HAS a été lui-même préparé par M. Raoul Briet, un des neuf « Sages » connu pour avoir précédemment cosigné à l’été 2007, avec M. Fragonard, lui-même président du HCAAM, un autre document consacré au « bouclier sanitaire ». Les deux experts militaient pour la fin de l’exonération de TM au profit d’un « bouclier social », dispositif inspiré du bouclier fiscal et selon lequel chacun, malade chronique ou non, ne saurait être exposé à un ticket modérateur qu’à proportion de ses revenus et pas de l’inscription ou non de maladie dans la liste des ALD.
Ni rationalité médicale ni rationalité sociale
Il y a donc un faisceau convergeant de pressions politiques en faveur d’une réforme. La HAS ne fait que les reprendre mais – originalité – en dénonçant l’incohérence du dispositif par une démonstration extraite du domaine cardiovasculaire. Extraits : « Aucun rationnel médical ne saurait (…) justifier que, parmi les facteurs de risque cardiovasculaire majeurs, médicalement contrôlables, certains soient aujourd’hui pris en charge en ALD (diabète non compliqué) alors que d’autres ne le sont pas toujours (HTA sévère) voire jamais (dyslipidémies isolées). Aucun rationnel de coût ne peut non plus expliquer cette situation : le parcours de soins de certains malades hyper tendus hypercholestérolémiques ou de malades hypertendus bien contrôlés n’est a priori pas en ALD, alors qu’il peut être plus coûteux que le parcours de soins de malades diabétiques non insulino-dépendants ou coronariens qui sont, eux en ALD ».
Laquelle HAS poursuit : « Si l’on entendait privilégier exclusivement une approche de qualité des soins et de santé publique, c’est sur l’ensemble des personnes et dès le stade des risques qu’il faudrait faire porter l’effort » ; et l’auteur du document de détailler : élargir le périmètre du 100 % aux « artériopathes asymptomatiques ou aux patients ayant eu un accident ischémique cérébral transitoire, facteur de risque de complication majeur en l’absence de suivi médical ».
Avec pour conséquence de rendre aussitôt éligible à l’exonération du TM « au moins un million d’assurés supplémentaires » ! On aura compris que ce ne peut être qu’au prix d’une réforme fondamentale du dispositif d’ALD, que le Collège de la HAS appelle de ses voeux.
Roselyne Bachelot en terrain miné
Appel implicite plus qu’explicite. Cette hypothèse radicale ne figure qu’au troisième rang de ses scénarios suggérés au Gouvernement, les deux premiers respectivement évoqués étant soit la refonte de la liste des maladies exonérantes, soit un simple « lifting » des critères d’accès. Roselyne Bachelot a aussitôt fait savoir qu’elle entendait se donner le temps de l’exégèse (lire dans l’encadré les trois hypothèses relatives à l’HTA page précédente).
Les seuls qui ne s’inscrivent pas dans ce consensus en faveur de la réforme sont, évidemment, les patients qui voient d’un très mauvais oeil toute remise en cause de ce qu’ils tiennent pour un « avantage acquis ». C’est pourquoi le Gouvernement avance sur ce terrain comme en terrain miné. Si Madame Bachelot réserve encore ses intentions, c’est surtout qu’elle attend l’issue du débat promis en 2008 sur le financement de l’Assurance Maladie. Le ticket modérateur, abandonné ou non au patient, participe de ce débat mais présente la caractéristique d’être à fort potentiel d’explosivité sociale. Et il s’agit ni plus ni moins que de remettre en cause, bien au delà de la portée actuelle des « franchises », tout le socle social de la Sécurité Sociale héritée de 1945.
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HTA : _ les propositions de révision minimale _ des critères d’accès
| |Pour illustrer l’enjeu de sa réflexion à propos de l’HTA sévère, par exemple, les propositions de la Haute Autorité sont les suivantes : – l’hypothèse maximale, qui semble avoir la faveur de M. Briet, consisterait donc à privilégier le critère social du « Reste à charge » (RAC) : quelle que soit la maladie ou la polypathologie concernée, l’important est d’assurer au patient une totale gratuité au-delà du seuil proportionnel au revenu ; – l’hypothèse médiane consiste à retirer l’HTA sévère de la liste des maladies invalidantes, au motif qu’elle n’est pas si coûteuse ; il en irait de même pour d’autres affections comme le DT2… ; – enfin l’hypothèse minimale consisterait à revoir les critères médicaux d’accès. Était jusqu’à présent considérée comme « sévère », une HTA mesurée à l’occasion de trois consultations successives avec des valeurs égales ou supérieures à 180 mmHg et/ou 105 mmHg, assortie de diverses clauses additionnelles. La HAS suggère d’y substituer le cumul de deux des trois constatations suivantes : _ • PA égale ou supérieure à 180 mmHg et/ou 110 mmHg à trois consultations successives sauf contexte d’urgence, qu’il y ait ou non des signes cliniques ou paracliniques tels que ceux décrits ci-dessous, _ • PA quoiqu’inférieure à 180 et 110 mmHg, mesurée supérieure à 140 et/ou 90 à plusieurs consultations successives espacées de plusieurs semaines ou diagnostic confirmé par automesure ou mesure ambulatoire associée à au moins un signe de retentissement : – hypertrophie ventriculaire gauche et/ou ischémie myocardique – insuffisance coronarienne – microalbuminurie > à 30 mg/j ou 20 mg/l – insuffisance rénale (DFG < 60 ml/min) ou protéinurie > 500 mg/j – accident ischémique transitoire (AIT) ou accident vasculaire cérébral (AVC) – hémorragies et/ou exsudats à l’examen du fond d’oeil (stade III) ou oedème papillaire (stade IV) – artériopathie des membres inférieurs et aorto-iliaque, _ • prescription continue depuis trois mois de trois classes d’antihypertenseurs au moins, reconnus comme tels par les commissions compétentes et prescrits chacun à la dose quotidienne optimale.|
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