L’offensive avait commencé relativement innocemment, dans les colonnes de la respectable revue « 60 millions de consommateurs », organe de l’Institut National de la Consommation (voir Le Cardiologue n° 312 de mai 2008). Avec le concours de ses correspondants de province, cet organisme avait « testé » au téléphone 303 des 1 105 cardiologues potentiellement concernés. La spécialité s’en tirait avec un « billet d’honneur » pour la modestie des dépassements estimés à 27 % en moyenne quand la CNAM crédite la spécialité d’un taux de dépassements en honoraires libres de 20 %… Concevable compte tenu de la marge d’erreur imputable aux méthodes d’enquête respectives !
Mais il n’en allait pas de la même façon avec d’autres spécialités également testées : dermato, gynéco, ophtalmo… La deuxième offensive, plus insidieuse car biaisée, a été publiée le 3 juin par le CISS, Collectif Inter Associatif sur la Santé réunissant des associations de patients, associations familiales et d’accidentés du travail. Ses « révélations » sont le fruit d’une enquête conduite auprès de 82 caisses primaires, à laquelle n’ont répondu que 22 CPAM seulement dont 13 de manière incomplète… Malgré ce biais, les enquêteurs tirent la conclusion assassine : il est temps de légiférer ! Pour au moins trois raisons :
_ 1. certains praticiens de secteur 1 commenceraient à dépasser. Le CISS arrive notamment à la conclusion que « 71 % des dépassements observés en Saône et Loire en 2007 ne sont pas autorisés » ;
_ 2. en secteur 2, il peuvent atteindre « des montants prohibitifs »… Ã l’appui de la démonstration, ces quelques histoires de chasse qui effectivement déshonorent la profession. Pas de cardiologue pour autant dans le collimateur ;
_ 3. certaines spécialités, dans certaines zones (l’étude cite la chirurgie… générale dans le Gard), aucun spécialiste n’exerce plus qu’en secteur 2…
Au final un réquisitoire partiel et partial conclu sur une seule exhorte au Gouvernement : sévir ! Par la voie législative, dans la prochaine loi de financement de la Sécurité Sociale ou dans la loi « Santé, Patients, Territoires », promise dans la foulée des États Généraux (EGOS), voire dans les deux !
à quelques jours de distance, la CNAM, publiait de son côté un communiqué bienvenu faisant état d’un… ralentissement des dépassements en 2006. Citation : « entre 2004 et 2006, la croissance des dépassements moyens enregistre un ralentissements de 6 points par rapport à la période 2000/2006 : + 3,4 % par an au lieu de + 9,5 % sur les quatre années 2000-2004 ». Autre extrait : « C’est pour les spécialistes de secteur 2 que l’on observe la plus forte inflexion par rapport aux premières années de la décennie : leurs honoraires par tête progressent de 2,7 % en moyenne sur les deux années 2005 et 2006 alors qu’ils avaient augmenté de 5,4 % en moyenne entre 2000 et 2006 ».
Certes, on se gardera bien d’en appeler ici à la « dictature des chiffres »… Mais pour regretter aussitôt qu’aucune des gazettes ayant complaisamment relayé le cri d’alarme du CISS n’ait porté le moindre écho à l’évaluation purement comptable de la CNAM. Plus grave sans doute dans ce concert qui ressemble à une curée médiatique, l’intervention de la Conférence Nationale de Santé, organisme très officiel chargé de conseiller le Gouvernement dans sa gouvernance de la santé et qui estime que « l’information obligatoire sur le coûts et la remise d’un devis préalable au-delà d’un certain seuil de dépassement, de même que l’élargissement des procédures de saisine des instances de régulation disciplinaire ou tarifaires, s’ils sont nécessaires, apparaissent insuffisants ».
On comprend mieux quand on sait que M. Christian Saout préside à la fois le CISS et la Conférence nationale de santé !
Sur le sujet, deux dispositions sont attendues : – la négociation et, on l’espère depuis 2004, la conclusion du (trop) fameux « secteur optionnel » pour lequel les complémentaires ont donné un accord de principe sous condition de « régler » simultanément la question du secteur 2 ; – la publication d’un arrêté livrant un seuil tarifaire au-delà duquel le professionnel sera contraint de soumettre un devis à son patient. Ce chiffrage a fait l’objet d’une polémique non soldée au moment de mettre ce numéro sous presse. On a évoqué successivement les valeurs de 100 puis 80 €, le Conseil de la CNAM estimant même ce chiffre « beaucoup trop bas »…
Enfin un autre texte serait également envisagé afin de définir légalement la notion de « tact et mesure » que la jurisprudence fixe entre trois et quatre fois le tarif opposable. Le législateur pourrait être tenté de se prononcer pour la notion de doublement.
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