DMP « new look » : on voudrait tellement y croire !

Cette ambivalence sur le « P » est assez illustrative de la situation du dossier après l’annonce du Plan de relance. Dans une posture volontiers incantatoire, Roselyne Bachelot fait mine de considérer que cela n’a plus guère d’importance. Que le DMP nouveau sera à la fois « personnel », propriété du patient selon la revendication toujours en vigueur du collectif représentatif des patients, mais également « partagé » entre professionnels en vertu du précepte selon lequel le DMP servira d’abord à l’échange entre professionnels ou… ne servira à rien.

Mais à ne pas vouloir trancher ce différend qui n’est pas seulement sémantique, la tutelle prend le risque d’alimenter la confusion : elle ne touche en rien, par exemple, au « droit de masquage » d’une donnée le concernant par le patient, ni au « masquage du masquage » par le même ! Comme le ballon de rugby, le problème est renvoyé en touche, et on nous promet des « expériences » où la responsabilité de masquer une information serait « partagée » par le patient et son médecin traitant. Sans autre précision car tout cela n’est pas clairement exprimé. Car il y avait surtout beaucoup de « communication » à la session ministérielle. De la part de la ministre, c’est normal compte du tenu de la nature du sujet et de son passif : tous les ministres successifs depuis Philippe Douste- Blazy se sont contentés d’en asséner la promesse… au nom de leur successeur !

Mais aussi de la part du Dr Jean-Yves Robin dont on a suffisamment rappelé qu’il est à la fois médecin et industriel, notamment maître d’oeuvre du déploiement du Dossier Pharmaceutique (2,5 millions et DP déjà ouverts et 15 000 ouvertures quotidiennes au compteur !), mais dont il ne faut pas oublier non plus qu’il a été un grand communiquant, à la tête d’une agence de publicité spécialisée dans l’événementiel. Ã l’entendre c’est une dynamique qui commencera en 2010 plutôt que l’ouverture du DMP n° 1. En l’occurrence « la phase n° 1 de la trajectoire n° 1 » ! On sent que dans cette affaire, il ménage la chèvre et le chou. Soucieux de « cohérence » – c’est-à-dire d’un DMP lisible de la même façon à Lille et à Marseille, à Brest et à Strasboug, et donc mis aux normes internationales – mais sans désespérer ceux qui, sur le terrain, oeuvrent à débroussailler la technologie, la pratique et l’éthique du DMP…

On en est plus au dossier monolithique mis à l’abri d’un « Fort Knox » informatique caché en un point secret du territoire mais, plus terre-à-terre, à un assemblage non hiérarchisé de diverses pièces de diverses provenances : dossier pharmaceutique, dossier communicant en cancérologie, DMP-Pro (de la CSMF) et même « historique des remboursements » de la CNAM et tous les dossiers loco-régionaux aujourd’hui expérimentés sur des plates-formes elles-mêmes parfaitement hétérogènes.

Le mot d’ordre premier est donc de laisser libre cours à ces expérimentations initiées sous l’ancien magistère du GIP-DMP qui, en l’occurrence, avait pratiqué à peu près l’inverse de ce qu’on attendait de lui : une construction normative et centralisatrice. Mais que ces expérimentateurs se le disent – y compris les cardiologues à l’origine d’un projet de Dossier promis aux malades cardiaques « à risques » – le cap devra être rapidement mis sans retard sur la « convergence » logicielle.

Et c’est là sans doute où le chantier trouve sa nouvelle dynamique : on ne parle plus seulement de DMP et de « Dossier » mais, de manière beaucoup plus large, d’interopérabilité des systèmes d’informations. Le premier échec des pionniers aura incontestablement été d’ignorer l’ergonomie du poste de travail du médecin. Le DMP, si DMP pérenne il y a un jour, sera automatiquement abondé depuis l’ordinateur du praticien. Ce qui pose la question de son logiciel-métier… et des éditeurs qui l’ont commercialisé quand ils ont survécu : une majorité d’entre eux ne sera sans doute jamais éligible à l’interopérabilité, car construits sur des normes propriétaires aujourd’hui parfaitement obsolètes et donc condamnées aux lois de l’évolution informatique. Sans autre avenir que la nostalgie promise à leur utilisateur d’hier et d’aujourd’hui.

Aucun orateur, et évidemment pas le représentant du secteur industriel, n’a osé affronter cette sordide réalité, du moins à la tribune, mais elle était implicite dans plusieurs autres communications. Le jour où un responsable politique sera en mesure de soutenir cette évidence devant un parterre de médecins usagers sera sans doute à marquer d’une pierre blanche dans le réalisme, le pragmatisme du dossier.

à ce stade de déploiement du projet, il est encore permis de rêver !

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