Eric Perchicot (Syndicat de Provence) : Gare au salariat en clinique !

331 – CardioNews – Le Cardiologue : Quel événement retenez-vous de l’actualité récente ?

Eric Perchicot : Evidemment la mise en place des ARS (Agences Régionales de Santé). L’encadrement est quand même largement issu des administrations antérieures, ARH notamment qui ne connaissaient rien du monde libéral et n’aspiraient pas à nous connaitre. Gérard Jullien mon prédécesseur, n’avait jamais pu obtenir de rendez-vous avec son directeur. Plus récemment, nous n’avons même pas été conviés à l’élaboration du « SROS Cardio ». Quelques grands patrons marseillais, la FHF ont été concertés, nous non ! Or nous avons beaucoup à y perdre et je crains que les médecins libéraux, dont les cardiologues, ne se retrouvent naturellement désignés au statut de « variable d’ajustement » des grands équilibres, des grands enjeux régionaux. Coincés entre des directeurs d’ARS spontanément peu empathiques et des directeurs de cliniques naturellement prédateurs…

Pourquoi dites-vous cela ?

E. P. : Vous avez vu, comme moi, que les cliniques vont disposer sous peu du droit de salarier des médecins. Quand on voit le comportement des jeunes qui arrivent sur le marché du travail aujourd’hui, il y a de quoi être inquiet pour l’avenir de l’exercice libéral, du moins dans les gros établissements et les chaînes. Je fais partie de ces gens qui pensent qu’avec des honoraires largement solvabilisés par de l’argent public, nous n’avons plus de libéraux que le nom. Mais je reste attaché au paiement à l’acte parce que c’est le dernier rempart de notre semi-liberté. A Cavaillon, nous faisons même, pour cette raison, partie du dernier carré des réfractaires au tiers-payant. _ Heureusement que la caisse nous soutient dans cette affaire: elle a récemment publié une lettre dans laquelle elle rappelle que le tiers payant n’est pas dû en cas de 100 %. Ca nous donne un argument vis-à-vis des malades un peu agressifs. Comme les psychanalystes, je crois que le paiement fait partie de la consultation. Mais ce problème du salariat en clinique est gravissime : sans réaction de notre part, le libéralisme aura disparu dans moins d’une génération.

Mais Nicolas Sarkozy a promis de « refonder » les principes de la médecine libérale et de consacrer la dernière partie de son quinquennat à résoudre les difficultés de la médecine de proximité ?

E. P. : La cardiologie libérale relève-t-elle de la médecine de proximité ? Dans certains endroits oui sans doute, dans d’autres non : nous sommes handicapés par nos différences. Revenons à Sarkozy. _ On a compris qu’il fait un virage à droite pour renouer avec son électorat traditionnel, dont le corps médical. Mais étant également hospitalier public, dans mon petit hôpital de Cavaillon, je vois bien que la situation n’y est guère plus enviable ! C’est une restructuration « à la hache » qui s’y déroule avec une pénibilité croissante pour les personnels : aucun patient n’arrive plus chez nous pour une seule pathologie aiguë et, vieillissement aidant, ca ne va pas s’améliorer. L’état des finances de la Sécu n’est, à ce qu’on nous en dit, guère plus brillant. Donc que peut faire Sarkozy dont on a vu par ailleurs qu’il peut mettre un fossé entre ses effets d’annonces et la réalité… Alors « chat échaudé craint l’eau froide ». Permettez-moi de prendre le rôle de Saint-Thomas… Mais je lui souhaite sincèrement bon courage parce que je n’ai pas encore compris à qui il veut faire plaisir de MG-France ou de la CSMF…

On n’a rien dit des CAPI ? Des SEL ? De la démographie ?

E. P. : Ã l’AG, on a eu un vrai débat de fond sur les CAPI. Je fais partie de ceux qui sont persuadés que la forfaitisation est une évidence pour les pouvoirs publics quels qu’ils soient. Car l’inflation des maladies chroniques y pousse et les malades, qui font le yoyo entre la ville et l’hôpital avec des examens en doublons, triplons, … ne seront pas forcément plus mal soignés. Organiser cela va s’avérer très complexe entre l’hôpital, le généraliste, le spécialiste, le paramédical, le pharmacien… _ Ça ne peut être que le travail d’une structure elle-même complexe. Faisant partie d’un groupe de huit, en situation de quasi-monopole sur le sud-Vaucluse, je peux témoigner qu’on ne pratique pas tous le même type d’activité et que donc une part de forfaitisation permet de prétendre à une rémunération plus équitable. Vaste chantier mais j’observe, comme vous, que le sujet figure de manière très explicite dans le contrat en cours de négociation entre les caisses et l’État une rémunération à trois niveaux : forfait, acte, intéressement. _ Les SEL ? Je milite aussi pour que les cardiologues s’inspirent parfois de l’expérience des radiologues. La SEL était, il y a dix/douze ans, le seul véhicule juridique et fiscal avantageux pour les activités requérant de gros investissements. Depuis la réforme de la fiscalité des dividendes, c’est moins évident mais ca reste un support intéressant dès lors qu’on a un projet. Je pense à l’IRM : si l’on veut espérer ne pas la pratiquer sur un matériel appartenant au radiologues ou à la clinique, il faudra bien s’organiser. Et dans mon département par exemple, fédérer les 20-25 cardiologues qui pourront ainsi prétendre à une ou deux demi-journées de disponibilité … La propriété de l’outil de travail est essentielle dans le débat qui nous attend avec les patrons de cliniques. _ La démographie enfin ? Jusqu’à présent, c’était une réalité un peu virtuelle mais aujourd’hui ont voit bien l’hémorragie qui se dessine, en tout cas chez à échéance de 3 ou 4 ans. Elle a déjà cours chez les généralistes. On nous dit que les zones « sur-denses » d’aujourd’hui sont les zones « sous-denses » de demain … Mais enfin je ne vois pas que le Sud n’attire plus de nouveaux retraités. Il faudra donc bien trouver des solutions, là encore dans le regroupement. C’est bien de réfléchir, sur le plan philosophique aux maisons du cœur, mais enfin le temps est venu d’aborder le sujet de la structure juridique à laquelle l’adosser.

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