Les vrais défis d’Élisabeth Hubert

332 – CardioNews – On se souvient que pour renouer avec le corps médical passablement dérouté après le Plan Juppé de 1995, Jacques Chirac avait dû renvoyer au créneau le même Alain Juppé pour faire amende honorable sur le registre « J’ai peut-être commis une erreur ». L’affaire fut rondement menée dans la torpeur du début d’été 2000 soit deux ans avant l’échéance de 2002… du moins le maire de Bordeaux jouait-il « sur du velours », Lionel Jospin étant, à Matignon, et Martine Aubry, aux affaires sociales, très occupés l’un et l’autre à rompre tous les ponts avec le corps médical…

Pas de cohabitation cette fois et un hyperprésident en première ligne, en tout cas sans fusible, dans un nouveau conflit ouvert avec le corps médical. Il lui fallait donc un « médiateur » et ce sera, encore mieux… une médiatrice, Elisabeth Hubert, actuelle présidente de la FNEHAD, dont on avait cru comprendre – parce qu’elle l’expliquait à qui voulait l’écoute r- qu’elle avait pris un peu de distance avec la politique depuis qu’elle s’était fait proprement « virer » avec quelques autres « Juppettes ».

Le choix de Nicolas Sarkozy est d’autant plus pertinent que la Dame n’a pas d’ennemis dans le corps médical : elle a été CSMF en 1981 – c’est même là qu’elle a commencé sa carrière politique, repérée par un proche d’Olivier Guichard, un des barons du gaullisme – et elle avait participé aux premiers combats identitaires de la médecine générale avec Richard Bouton qui allait ultérieurement fonder MG-France ! Elle était enfin amie de Dinorino Cabrera, ex-patron-toujours-charismatique du SML et donc de son successeur… Il n’y a guère qu’à la FMF où elle n’ait pas d’appui… Il sera en tout état de cause difficile aux centrales de « casser » un plan que sa feuille de route nous promet pour… fin septembre.

Fin septembre, c’est justement le grand rendez-vous que les mêmes centrales ont avec le suffrage universel chargé de désigner les futurs négociateurs de la Convention et les administrateurs des futures URPS (Unions Régionales de Professions de Santé). Mme Hubert se gardera donc d’interférer dans la campagne électorale en y révélant trop d’aspects de son projet, éventuellement appelé « programme » si elle devait être appelée à le mettre elle-même en œuvre. L’hypothèse ne peut évidemment être écartée a priori puisque « le grand remaniement » est promis dans les mêmes eaux, une fois arrêtées les grandes lignes de la réforme des retraites.

Voilà donc pour le calendrier, idéal aux acteurs, les propositions de la « démineuse » étant appelées à trouver place soit dans le PLFSS ou, par voie d’amendements, pendant sa navette parlementaire, soit dans une loi ad hoc à débattre avant la fin du quinquennat, soit encore – au gré des négociateurs – dans le texte conventionnel à élaborer … sans échéance précise, le « règlement minimal » n’étant pas forcément voué à la précarité. _ Reste à trouver les éléments de fond susceptibles de ramener à la bergerie les médecins-électeurs égarés et à l’exercice libéral quelques vocations défaillantes. Paradoxalement et quoiqu’en disent les centrales, il y a dans le Rapport Legmann largement de quoi jeter les fondations d’une authentique réforme : diversification des modes de rémunération, incitation au regroupement, invention d’un authentique métier d’assistant, … Les auteurs du dernier Livre Blanc de la Cardiologie y retrouvent leurs petits… _ En fait, le véritable rendez-vous assigné à Mme Hubert est ailleurs, et sans doute directement à l’Élysée : on lui demande de dessiner un peu plus précisément le concept de « médecine de proximité » – est-ce là, comme on le soupçonne, un simple artifice sémantique pour (re)parler de médecine « de premier recours », de médecine générale en fait où la médecine spécialisé technico-clinique y trouve-t-elle place ? – et, surtout, de trouver du « grain à moudre », des financements ! _ Dans l’enveloppe constante où la Crise nous assigne à résidence, on sait assez précisément où ils se trouvent : dans les gains de productivité à traquer à l’hôpital, dans la refonte de l’ALD, dans la réforme du financement (TVA sociale) … Mais ce sont-là autant de terrains politiques minés à moins de deux ans de 2012. _ Dans ses missions accessoires, Elisabeth Hubert devra donc savoir aussi exhorter le corps médical à la patience. Pas dans la poche ! En attendant, on rappellera ici les conseils qu’elle délivrait à l’AG de décembre du SNMSCV dont elle était l’hôtesse: « Soyez porteurs de projets, mais soyez-le vite ! » (Revue Le Cardiologue n° 330 de mars dernier)

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