Thierry Mouhat (Franche-Comté) : s’organiser pour éviter un « plan cancer » en cardiologie

334 – CardioNews – Le Cardiologue : Comment se présente la rentrée dans votre région de Belfort-Montbéliard pour une année politiquement chargée (nouvelle convention et échéances électorales) ?

Thierry Mouhat : Vous savez, il y a quelques années déjà qu’en tous cas en Nord-Franche-Comté, les cardiologues sont un peu démotivés, ils ont du mal à croire qu’une élection quelle qu’elle soit puisse changer radicalement leurs conditions de vie et d’exercice. Ce qui nous fait le plus défaut en ce moment, c’est le temps et serait donc bienvenue toute innovation qui permettrait d’en « récupérer un peu », au bénéfice de nos relations avec les patients, les correspondants, les confrères hospitaliers et de notre formation médicale continue.

Votre région est en pointe dans le domaine de la télécardiologie…

T. M. : J’ai déjà des malades sous télésurveillance. C’est évidemment une promesse à laquelle les cardiologues sont spontanément ouverts. Mais la question de la rémunération reste encore sans réponse. Pareil pour l’organisation collective – la Franche-Comté a vu naître les premières « Maisons de santé »- et apparemment les généralistes s’en portent bien. Personnellement, j’exerce dans un cabinet de 4 cardiologues ; nous pourrions « muscler » le secrétariat mais le projet se heurte, entre autre, au problème des charges sociales et donc à la rentabilité du cabinet. Nous ne sommes pas assez nombreux pour nous obliger aux contraintes des grosses structures et l’horizon démographique n’incite pas à l’optimisme. Malgré notre exercice diversifié et intéressant, nous avons un peu de peine à fidéliser les remplaçants ; deux confrères sont partis en retraite depuis 10 ans sans trouver de successeur. Je suppose que le surcroît d’activité a été absorbé par l’activité privée des confrères hospitaliers mais tout le monde travaille en ce moment « en flux tendu », comme l’industrie automobile notre « mère nourricière » avec les incertitudes actuelles.

Mais comment voyez-vous votre avenir dans les prochaines années ?

T. M. : En ce moment, la vague est clairement porteuse pour le salariat hospitalier mais il viendra bien un moment où tous les postes encore ouverts finiront par être pourvus. Dans ces conditions, c’est assez difficile de faire de la prospective à 10 ans : je m’en avise avec mon fils, étudiant de 4ème année qui s’interroge, et m’interroge, sur ses choix. Ma génération n’était pas confrontée à autant d’états d’âme. Je crois que ce qu’il nous faut préserver c’est, à la fois et comme tous les spécialistes, un lien avec le plateau technique et, parce que nous sommes cardiologues, avec l’organisation collective de la spécialité : les urgences, la continuité des soins… Tout cela est une réalité chez nous à laquelle nous devons apporter une réponse si l’on ne veut pas se la faire imposer par la nouvelle ARS… Pour moi, le pire qui pourrait nous arriver serait l’équivalent d’un « Plan Cancer » en cardiologie.

Pourquoi ?

T. M. : Parce qu’étant à 90 km du CHU, nous avons mis en place des réseaux informels avec les confrères libéraux et hospitaliers dans les domaines où nous sommes les plus régulièrement sollicités. Pour la cancéro, cela fonctionnait en bonne intelligence et sans arrière-pensée mais dont la réalité a été complètement niée sous couvert de « réorganisation ». De même, j’ai gardé une activité de coronarographie à l’hôpital – il n’y a pas d’hospitalisation privée sur la zone de Belfort-Montbéliard, du moins en cardiologie alors qu’elle est puissante à Mulhouse, à 60 km d’ici – et je vois bien que les confrères se plaignent de la pression qu’ils subissent de plus en plus de la part de leur administration. La T2A a plus ou moins imposé une politique de quotas d’activité pas évidente à déjouer. En tout cas, je crois de plus en plus à une forme d’exercice mixte qui, dans l’intérêt du patient, permettra au système français de préserver une alternative au « tout public ».

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