13 novembre 2024

L’intelligence artificielle n’en fini pas de faire parler d’elle. Et c’est sans aucun doute les lancements récents des chatbots GPT, en faisant le buzz, qui ont déclenché cette course en avant des entreprises high tech. L’IA est sans aucun doute un domaine passionant, mais de quelle manière nous accompagnera-t’elle dans l’avenir ? Et saura-t’on mettre les barrières nécessaires pour techniquement et humainement la maîtriser d’une façon intelligente et efficace ?

Pascal Wolff – Le Cardiologue n° 453 – juillet-août 2023

Le concept de l’intelligence artificielle est à la base plutôt simple à comprendre. Directement issue des programmes de développement informatique, l’IA permet d’imiter la compréhension et la pensée humaines selon des bases de données.

Les premiers soubresauts de cette technologie ne datent pas d’hier. En 1950, le mathématicien Alan Turing (qui avait joué un rôle majeur dans la cryptanalyse de la machine Enigma utilisée par les armées allemandes  lors de la Seconde Guerre mondiale) s’était posé cette question simple : « Les machines peuvent-elles penser ? ». Il étudie l’intelligence artificielle (qui n’était pas encore ainsi nommée) en publiant un article fondamental en 1950 (Computing Machinery and Intelligence), dans lequel fut introduit le concept de ce qui est maintenant nommé le test de Turing, fondé sur la faculté d’une machine à imiter la conversation humaine. 

Dans sa lancée, Alan Turing fait le « pari que, d’ici cinquante ans, il n’y aura plus moyen de distinguer les réponses données par un homme ou un ordinateur, et ce sur n’importe quel sujet ». (1) L’avenir lui donnera-t-il raison ?

 

LA CRÉATION ET LES PREMIÈRES AVANCÉES DE L’IA

 

En 1956, le concept de l’intelligence artificielle se développe grâce à John McCarthy qui présente un algorithme d’évaluation qui a joué un rôle majeur dans la programmation.

Dès les années 1980, l’apprentissage automatique se développe, notamment en modélisant les phénomènes mentaux ou comportementaux (connexionnisme). L’ordinateur commence à déduire des « règles à suivre » en analysant seulement des données.

Mais c’est surtout dans les années 2000 avec la venue du web 2.0 et ses puissances de calcul qui permettent une exploration des masses de données sans précédent : l’apprentissage profond (le deep learning) est né.

Vers 2015, l’IA évolue fondamentalement sur la perception visuelle, la compréhension et l’analyse automatique du langage ainsi que la prise de décision autonome.

L’intelligence artificielle se développe rapidement avec ses logiciels prédictifs, ses outils d’analyse en temps réel et ses robots conversationnels. Les agents conversationnels (chatbots) sont ainsi nés et GPT a tout récemment ouvert la voie d’une nouvelle ère.

 

Une stratégie nationale

Depuis 2017, le gouvernement français a lancé une réflexion autour du développement de l’intelligence artificielle avec comme objectif affiché d’être pionnière de l’innovation en 2023.

Cette stratégie nationale a jeté les bases d’une structuration de l’écosystème de l’IA à tous les stades de développement : recherche, innovation, applicatifs, mise sur le marché et diffusion intersectorielle, soutien et encadrement du déploiement…

Cette stratégie permettrait des gains considérables de compétitivité et de productivité avec des résultats économiques attendus de 90 milliards dès 2025 contre 7 milliards en 2020. (2)

LA MÉDECINE ET L’IA

L’intelligence artificielle est en pointe dans le secteur de la santé où la recherche est la plus importante. L’IA s’est développée dans la plupart des domaines d’application (voir tableau ci-dessus) tels la détection, le diagnostic (aide à la décision), la thérapeutique (traitement, pharmacie, suivi des patients, etc.), la prévention et celui dont on parle beaucoup aujourd’hui : la prédiction.

 

Le diagnostic

L’aide au diagnostic est l’un des domaines de la santé dans lequel l’IA s’est le plus développée.

Elle analyse une sélection importante de données grâce aux algorithmes qui enregistrent et classifient les caractéristiques afin de proposer un diagnostic précis. L’un des défis majeurs aujourd’hui est la qualité des données (fichiers médicaux, objets connectés, applications, etc.) afin d’offrir des analyses fiables.

 

Le pronostic

Les bases de données enregistrées par l’IA (caractéristiques de la maladie, spécificités du patient) permettent d’améliorer les pronostics en adaptant le traitement. En effet, les algorithmes offrent une prescription des meilleures options thérapeutiques en fonction du profil du patient afin de maximiser les chances de succès du traitement.

 

Le préventif

L’IA va notamment permettre de développer la médecine préventive et cette perspective d’évolution ne peut être que  positive. Les objets connectés et applications validées servent à la surveillance de maladies chroniques et le suivi des patients au quotidien. Laboratoires pharmaceutiques, fabricants de dispositifs médicaux et start-up en e-santé se sont intéressés très tôt à la santé connectée. Loin des visées commerciales, les soignants aussi voient dans ces progrès de la santé connectée une formidable opportunité… d’améliorer l’accompagnement et les soins des patients.

 

Le prédictif

La prédiction, qui est l’ est l’un des derniers éléments rapportés par les algorithmes, pose un certain nombre de questions. Issue de la recherche translationnelle, elle met en relation  médecins, chercheurs et scientifiques dans le développement des applications médicales grâce aux résultats des recherches issues des laboratoires au chevet des patients ou à partir d’ observations cliniques.

Détecter la maladie avant même qu’elle ne s’exprime et ainsi prédire de futures maladies reste encore une vision utopique de l’IA. Même si les algorithmes arrivent à détecter un possible cancer dans dix ans, quels seront la réaction du patient et son comportement face à ce risque qui n’existe pas au présent ? D’un autre point de vue, le médecin saura-t-il prendre les bonnes décisions afin d’anticiper ce (futur et éventuel) risque ?

 

L’IA À SA JUSTE PLACE

Le modèle d’excellence de l’intelligence artificielle doit rester une complémentarité technologique dépendante des médecins. Elle sait parfaitement donner des propositions conclusives basées sur des études issues de groupes de patients, mais elle ne pense pas et ce n’est pas son rôle. L’échange médecin/patient n’est pas fait d’algorithmes où la sensibilité, l’émotion et la pensée complexes de l’être humain doivent avoir leurs justes places.

D’autre part, l’éthique doit être le point de départ de nos réflexions pour que l’Intelligence artificielle ne devienne pas une menace pour la sécurité ou les droits fondamentaux des personnes.

(1) fr.wikipedia.org/wiki/Test_de_Turing

(2) Cabinet de conseil Statistica (janvier 2021)

Sources. Vous pouvez les consulter sur notre site lecardiologue.com : economie.gouv.fr, franceinfo:, Wikipédia, pulse.microsoft.com/fr-be, sciencedirect.com, lindependant.fr

AIDER LE MÉDECIN ET NON LE REMPLACER

La voie est ouverte aux applications médicales de l’IA – et pour certains le remplacement du médecin – mais leurs utilisations posent de réels problèmes éthiques. L’humain (le personnel de santé), s’il ne fait plus partie du système, laissera le patient à ses interrogations et ses angoisses. Le site drGuPTa (voir notre article dans le numéro précédent) en est l’image saisissante en fournissant des informations personnalisées et des suggestions à ses utilisateurs sur leur santé. Le risque des patients persuadés qu’une intelligence artificielle générative est humaine est ainsi très important, et c’est là tout le problème de notre comportement dans le futur.

Le CNPEN (Comité national pilote d’éthique du numérique), suite à une saisine de Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications, a récemment émis 22 préconisations à destination des concepteurs de systèmes d’IA, des chercheurs et des pouvoirs publics, en appelant à la responsabilisation dès la conception et la transparence des sources. Il a également demandé à bien distinguer l’homme et la machine avec une précision fiable si l’on a affaire à un robot ou un être humain afin d’éviter les « risques de manipulation ».

© Yingyaipumi – stock.adobe.com – Tableau : Inserm

Vérifiez vos adresses mails !

Il n’y a pas que votre ordinateur qui peut être piraté. Vos adresses mails on pu être subtilisées dans d’autres bases de données (Santé, Gafam, réseaux sociaux…). Pour le savoir et éviter une usurpation de votre identité, de l’hameçonnage ou autre méfait, vérifiez auprès du site  haveibeenpwned s’il y a eu violation de vos adresses. Si tel est le cas, le site vous indique sur quels sites vos données ont été volées… et changez vos mots de passe.

la CNIL et vos données

Le médecin libéral doit donc protéger ses données personnelles et médicales. Pour ce faire, il doit passer par des protocoles précis : hébergement certifié données de Santé avec demande préalable auprès de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL). 

 

La CNIL a récemment sanctionné deux médecins libéraux pour ne pas avoir suffisamment protégé les données de leurs patients, des milliers d’images médicales hébergées sur des serveurs étaient en accès libre. Toutes ces données pouvaient donc être consultées et téléchargées, et étaient, selon les délibérations de la CNIL, « suivies notamment des nom, prénoms, date de naissance et date de consultation des patients ». Le problème venait simplement d’un mauvais paramétrage de leur box internet et du logiciel d’imagerie qui laissait en libre accès les images non chiffrées.

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L’ESPRIT DERRIÈRE LE DR. GUPTA

 

Si l’on ne connaissait pas le personnage Martin Shkreli, on pourrait presque croire que Dr. Gupta aurait été créé pour remplacer les visites chez le médecin et de réduire ainsi les frais médicaux. « Une grande quantité de demandes d’informations sur les soins de santé et de décisions peuvent être prises par l’IA » selon son concepteur. Mais l’empathie médicale et humaine est loin de faire partie de la personnalité de Martin Shkreli qui table pour sa part sur une véritable ruée vers l’or de l’IA. 

Si certains médecins (voir Le Cardiologue 450) se sont déjà associés à cette technologie dans leur pratique médicale, ce sont surtout les patients qui jettent leur dévolu sur ces sites « médicaux » en se passant d’un véritable avis médical (songez à la vieille dame qui pourrait penser qu’elle parle à un vrai médecin… certains se persuadant qu’une intelligence artificielle générative est humaine et c’est là tout le risque de notre comportement). Un jeune chercheur dans le domaine de la santé s’est récemment donné la mort après avoir discuté six semaines avec Eliza, son chatbot, qui était devenue sa confidente, son obsession, et qui ne se permettait jamais de le contredire mais au contraire appuyait ses plaintes et encourageait ses angoisses.

 

NEUTRALISER L’IA DANS L’AVENIR ?

 

Respect des droits d’auteur, protection des données personnelles, engagement de la responsabilité civile… L’utilisation de l’IA générative pose des questions de législation inédites. L’Union européenne s’y est penchée avec la loi sur l’intelligence artificielle (Artificial Intelligence Act) qui présente une approche pour le respect des droits fondamentaux des citoyens et les valeurs de l’UE. 

Cette loi divisera les applications en trois catégories de risques et devrait voir le jour en 2025.

La Cnil lance également un plan d’action sur l’IA générative avec des règles claires et protectrices des données personnelles des citoyens européens (trois plaintes ont été déposées auprès de la Cnil sur Chat-GPT à propos de la collecte des données et les nombreuses erreurs factuelles incluses dans ses réponses).

Au niveau européen, une task force sur Chat-GPT a été lancée afin de « favoriser la coopération et l’échange d’informations sur de possibles actions ».

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LES NFT, C’EST QUOI EXACTEMENT ?

Les jetons non fongibles (NFT) sont des certificats de propriété stockés sur une blockchain. Ces jetons numériques permettent de certifier l’authenticité d’un objet qui lui est associé en achetant un code (ou un certificat)

Contrairement à la monnaie telle qu’on la connaît (ou aux cryptomonnaies), chaque NFT est unique ou non fongible, c’est-à-dire qu’il ne peut être échangé contre quelque chose de valeur égale. 

Le marché de l’art est en pleine révolution grâce aux NFT. Mike Winkelmann (Beeple) a vendu une photo numérique pour plus de 69 millions de dollars chez Christie’s. Et pourtant, cette photo est consultable et téléchargeable sur internet, contrairement à un tableau « réel ». Alors, pourquoi acheter une telle œuvre de cette manière ? Et bien tout simplement parce que celle-ci a été vendue avec son NFT qui la rend unique et traçable. Ce certificat signe bien sûr l’œuvre de l’artiste et indique qui l’a vendue, qui l’a achetée et pour quelle somme et à quelle date. Cette œuvre « numérique » peut donc être cédée en enchère… et si la valeur de la cryptomonnaie qui a permis d’acquérir le certificat NFT augmente, la valeur de cette œuvre augmentera  pour le possesseur du NFT.

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