Deux livres pédagogiques

Deux ouvrages très courts et faciles à lire viennent de paraitre sur deux sujets différents mais qui méritent chacun notre attention, l’orthographe vue du côté des linguistes et non des puristes, et la guerre en Ukraine, vue par des spécialistes de l’armée.

UN MANIFESTE

Depuis que je fréquente les ouvrages de linguistes traitant de la compréhension du français, j’ai pris conscience de plusieurs éléments majeurs concernant notre langue nationale. Il en est ainsi de son caractère très évolutif, mais aussi, quoi qu’on en dise, de son absence de règles strictes ou plutôt, d’un nombre tel d’exceptions à ces règles que l’on peut se demander ce que signifie la règle. Et ces exceptions n’ont souvent pas d’explication valide, obligeant à les retenir pas cœur. 

Ainsi, j’ai progressivement pris conscience que plutôt que de critiquer ceux qui ne maitrisent pas l’orthographe, il serait plutôt utile de la simplifier avec des règles claires et simples se rapprochant de la phonétique et s’éloignant d’une analyse étymologique faite par des non-spécialistes (en l’occurrence ceux de l’Académie française), élitistes et ayant essentiellement une culture littéraire sans qu’ils ne portent de regard sur le travail des scientifiques de la langue, les linguistes. 

Je suis donc devenu assez laxiste avec les fautes d’orthographe tout en restant peu tendre avec les erreurs de sémantique. Cette dernière me paraissant plus utile pour se faire comprendre que l’orthographe elle-même. 

Un problème soulevé par les très nombreux ouvrages des puristes de l’orthographe est l’invasion des mots étrangers dans notre langue, notamment des mots anglais, surtout lorsqu’ils possèdent un équivalent en français. Ici, je rejoins les puristes quoi que l’ouvrage commenté ici me conduit à nuancer mes pensées.

LES LINGUISTES ATTÉRRÉS

Un collectif de linguistes vient, dans un ouvrage très court de faire la synthèse des arguments à opposer aux puristes de la langue française en plaidant pour une meilleure analyse de ce qu’est le français, au-delà des dogmes, et de la façon dont il se construit et évolue.

Ce livre est construit sur le mode de la déconstruction des idées reçues, telles que véhiculées par les puristes qui accèdent largement aux médias, alors que les linguistes ayant une attitude scientifique y sont beaucoup moins accueillis, car ayant une approche moins simple et plus nuancée.

Ils rappellent que ce qui est dénommé la langue de Molière est aujourd’hui très éloignée du « françois » (à prononcer franssouais) tel que parlé à l’époque de Molière. Ils rappellent que Molière lui-même était loin d’être un puriste, travers qu’il dénonçait d’ailleurs dans ses pièces.

Ils rappellent que certaines exceptions aux règles, qui si elles connaissent des explications, n’en obligent pas moins à apprendre par cœur ces exceptions. Ainsi, par exemple, le x en queue de hibou, caillou, genou… au pluriel, vient d’une erreur ou adaptation de transcription de ce qu’écrivaient les moines copistes à la fin de ces mots comme nous écririons fonct° en place de fonction par exemple.

Ils rappellent que l’introduction de mots étrangers dans une langue sert parfois à apporter des nuances que ne possède pas cette langue, que l’anglais (merci Guillaume le Conquérant) est beaucoup plus empreint de français que le français n’est empreint d’anglais etc, etc.

Ils rappellent que le français n’est pas réglementé par l’Académie française, et que ce sont ses locuteurs qui l’adaptent progressivement, que l’Académie française n’a aucun pouvoir sur la langue et que plusieurs instituts travaillent régulièrement sur celle-ci, notamment dans les divers pays de la francophonie.

Ils rappellent que l’orthographe n’est pas toujours logique ni étymologique. Ainsi, par exemple, en matière « d’étymologie », le χ (khi) grec est transcrit par c dans acariâtre, caméléon, caractère, carte, colère etc. mais par ch dans archaïsme, archange, chaos, choléra (qui a le même ancêtre que colère), chrétien, chrome… Ainsi, Aspect, respect, suspect, ont gardé de l’origine un c muet mais par objet, préfet, projet, sujet et rejet…

Ils s’élèvent contre l’usage de la dictée car il a été démontré qu’on n’apprend pas en faisant apparaître les fautes, on apprend en montrant des règles.

Ils proposent ainsi de revoir la place de l’orthographe en tant qu’outil de sélection, de régulariser davantage l’orthographe en commençant par appliquer les Rectifications de 1990 et pourquoi pas, d’autoriser les correcteurs automatiques aux examens, comme les calculatrices en maths ou en physique.

Dérangeant n’est-ce pas ?

 

EN SAVOIR PLUS…

Le français va très bien, merci

    • Auteur : Collectif
    • Éditeur : Editions Gallimard, collection Tracts
    • Parution : mai 2023
    • Pagination : 64 pages
    • Format broché : 3,90 euros
    • Format numérique : 2,99 euros

 

DES EXPLICATIONS

Depuis le début de 2022, il y a un flot d’informations sur la guerre en Ukraine, dans lequel il est parfois difficile de faire le tri et notamment de comprendre ce qui se passe réellement sur le terrain. Et cela, surtout quand les commentaires sont faits par des non-spécialistes mis sur un plateau pour meubler des temps d’antenne dévolus aux chaines d’information en continu.

Si cette guerre peut être analysée sous de très nombreux prismes, comme par exemple une approche économique, démographique, géopolitique, juridique, sanitaire etc., etc., elle peut et doit l’être aussi sur le plan militaire afin de comprendre les avancées et reculs des armées en présence. 

C’est à cette approche que nous convient deux spécialistes des armées et notamment de celles de l’Est de l’Europe, Michel Goya, ancien officier des troupes de marine et docteur en histoire contemporaine et Jean Lopez dont on rappellera qu’il est l’auteur de ce formidable ouvrage qu’est Barbarossa.

LA CHOSE MILITAIRE

Parler de la chose militaire peut paraitre abscons à beaucoup, mais, dans cet ouvrage, cela est fait de telle manière que l’on ne peut le quitter après l’avoir débuté car le plan est logique, les argumentations simples, l’éclairage pertinent et ce, alors que de nombreux aspects de cette guerre sont abordés, notamment celui de la guerre des missiles et celui de la cyberguerre. 

Le chapitre sur la cyberguerre remet par ailleurs en cause les discours des prophètes de l’apocalypse numérique et explique l’apport du réseau de satellites à basse altitude, Starlink, dans l’évolution de cette guerre.

DEUX EXEMPLES ET EXTRAITS DE MISE EN PERSPECTIVE

Le premier concerne le groupe Wagner : « Il apparait alors manifestement comme un instrument de force discret au service de Moscou. Faible signature politique, zéro coût économique puisque le groupe est financé par l’Etat hôte (souvent sous forme de concessions minières) et indifférence sociale aux pertes de mercenaires ».

Le deuxième concerne l’aide occidentale à l’Ukraine. Elle a été soumise à de nombreuses contingences pouvant expliquer que certains l’ont qualifié de tardive et faible. Mais, fournir trop d’aide initialement faisait courir le risque, en cas de défaite de l’Ukraine, d’une prise de possession par la Russie des matériels fournis. Mais, fournir de l’aide devait se faire sans appauvrir les faibles stocks de matériels des pays occidentaux. Mais, fournir de l’aide devait prendre en compte la compatibilité des divers matériels et notamment les chaines logistiques pour leur réparation éventuelle. Fournir de l’aide devait prendre en compte le fait qu’elle ne permette pas des incursions nettes sur le territoire russe sous drapeau occidental, ce qui pourrait conduire à faire dégénérer le conflit en guerre nucléaire…

Tous ces aspects et de multiples autres sont abordés dans cet ouvrage construit sous forme de questions et réponses. Il éclaire ce qu’est une guerre, tout à la fois moderne et conventionnelle, sur un territoire relativement proche de la France. 

EN SAVOIR PLUS…

L’ours et le renard

    • Auteur : Michel Goya et Jean Lopez
    • Éditeur : Editions Perrin
    • Parution : mai 2023
    • Pagination : 300 pages
    • Format broché : 21,00 euros
    • Format numérique : 11,99 euros

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