Urgence climatique : les scénarios

Le concept de réchauffement climatique est un prototype de pensée scientifique prenant en compte la complexité. Fruit d’hypothèses et de calculs il rend compte que l’évolution prévisible du climat pourrait avoir des conséquences humaines, sociales, politiques et économiques majeures à l’échelle de ce siècle. Deux ouvrages courts parus à deux ans d’écart permettent de le comprendre.

LES RAPPORTS DU GIEC EXPLIQUÉS

Sylvestre Huet est un journaliste scientifique qui suit depuis plusieurs décennies le débat sur le réchauffement climatique. Il propose un ouvrage de lecture facile pour comprendre les évolutions de la prise de conscience du problème posé par le réchauffement climatique. Il détaille les principaux éléments des derniers rapports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) de 2021 et 2022.

LE GIEC : UN OUTIL D’ABORD POLITIQUE

La proposition de créer le GIEC est née lors de la réunion du G7 à Toronto (Canada) en juin 1988. La raison ? Parce que la notion d’un réchauffement climatique imputable aux énergies fossiles commençait à faire son chemin dans certains milieux et notamment au sein du programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et parce que les chefs d’Etat réunis à Toronto avaient une opinion commune « devant la mise en cause possible de leur puissance, en particulier celle du pétrole pour les Etats-Unis, il était exclu que la conférence de Rio travaille à une Convention Climat sur la seule base du PNUE, soupçonné d’être sous la coupe d’écologistes peu favorables à l’industrie. Certains pouvaient y ajouter des intérêts immédiats comme Margareth Thatcher engagée dans une lutte à mort contre le syndicat des mineurs du charbon ». En élaborant ce qui allait devenir le GIEC, ces dirigeants ont construit une organisation hybride, politique par son origine, puisqu’il s’agit de répondre à une demande d’expertise exprimée par les gouvernements, et son mode de fonctionnement, le rapport « Résumé pour les décideurs » devant faire l’objet d’un vote selon le mode onusien où chaque pays dispose d’un vote, et scientifique par son mode de travail, puisqu’il résultera de l’analyse et de la synthèse de chaque sujet traité par des experts internationaux.

Quelle est la véritable question posée aux experts du GIEC ? « Elle n’est pas ‘’est-ce que le climat change ?’’, ni ‘’est-ce à cause de nos émissions de nos gaz à effet de serre ?’’, ni ‘’de combien pourrait monter la température ?’’, ni même ‘’est-ce dangereux ?’’. Non, la vraie question posée par les gouvernements au GIEC est celle de la décision de se priver volontairement des énergies fossiles disponibles, peu chères et formidablement efficaces. Donc de comparer le risque climatique avec ce qui est considéré comme un risque économique, social et géopolitique majeur qui résulterait de cette privation. »

LES APPORTS

A partir d’un développement et d’une amélioration des divers moyens de mesure, il a été possible d’arriver à des conclusions reconnues comme très fiables et donc les principaux apports du GIEC sont simples, multiples et concordants : l’influence humaine sur le climat est dorénavant un fait établi, la somme de la fonte des glaces et de l’expansion thermique de l’eau correspond à la hausse du niveau marin observée, depuis le début du XIXe siècle, la température planétaire moyenne de la décennie 2011-2020 est plus élevée de 1,09°c et de 1,59°c sur tous les continents que durant la période 1850-1900, l’effet de serre s’intensifie, les émissions de CO2 anthropiques sont passées d’environ 2 milliards de tonne de carbone par an en 1920 à près de 12 milliards de tonnes de carbone par an en 2020, multiplication correspondant à la combustion du charbon, du pétrole et du gaz fossile, le niveau marin mondial a augmenté de 20 cm entre 1901 et 2018 et le rythme s’accélère, la montée du niveau marin a été de 1,9 mm de 1901 à 1971, puis de 1,9 mm/an entre 1971 et 2006 et elle est passée à 3,7 mm/an entre 2006 et 2018….les chaleurs extrêmes et les canicules sont plus fréquentes et plus intenses, la proportion des cyclones plus intenses a augmenté avec un risque augmenté de combinaison d’événements extrêmes (sécheresse, incendie, inondations…).

Issus de ce constat, le rapport présente ensuite divers scénarios et les moyens à adopter pour éviter les conséquences humaines de ces divers scénarios : à lire donc.

 

EN SAVOIR PLUS…

Le GIEC : urgence climat

    • Auteur : Sylvestre Huet
    • Éditeur :Tallandier
    • Parution : janvier 2023
    • Pagination : 272 pages
    • Format broché : 19,90 euros
    • Format numérique : 13,90 euros

 

LA MONTÉE DU NIVEAU DE LA MER VA IMPOSER DE QUITTER LES LITTORAUX

Un livre écrit par 4 ingénieurs (dont 3 agronomes (l’un spécialisé en aquaculture, un autre étant de plus sociologue) et un des ponts, des eaux et des forêts, envisage les conséquences de la montée du niveau de la mer selon divers scénarios relatifs aux diverses hypothèses de réchauffement climatique. Il rapporte aussi les positionnements des communautés face à ces scénarios (déni, fragmentation persistante, adaptation du littoral) et les expériences de trois régions (Nouvelle-Aquitaine, Pays-Bas et Vietnam).

LE CONSTAT

Si plusieurs scénarios d’amplitude de réchauffement climatique existent, le pire faisant état d’un réchauffement moyen de plus 4°c d’ici à 2100, plusieurs données constituent des faits : la mer monte en moyenne de 3 mm par an depuis 1993, ce phénomène est en accélération, on identifie assez bien les causes et leurs importances respectives mais on ne sait pas bien ce qui se passe à l’échelle locale. Ainsi, en 2100 par rapport à 2020, l’augmentation du niveau de la mer oscillera entre 50 cm (très probable et sérieux) et 200 cm (moins probable, mais possible et extrême).

Le problème est que dans tous les pays du monde, il existe une forte densité de population sur les littoraux et plus encore une migration constante de l’intérieur des terres vers les littoraux, souvent permanente, parfois transitoire (tourisme).

LA RÉGION NOUVELLE-AQUITAINE

En partant d’un scénario plausible d’augmentation moyenne du niveau de la mer de 30 cm en 2050 et de 100 cm en 2100, il est possible de prédire que le trait de côte du littoral aquitain reculera en 2050 en moyenne de 27 mètres sur la côte rocheuse et de 50 mètres sur la côte sableuse et il pourra parfois s’y ajouter des reculs brutaux de l’ordre de 25 mètres lors de tempêtes.  Les conséquences seront aussi sensibles au-delà du trait de côtes par la réduction des débits solides et liquides des bassins versants, notamment dans la Gironde.

Outre l’inondation directe, la salinisation des terres s’accompagnera d’une diminution des surfaces agricoles (finis les vins de Bordeaux) et forestières dans l’arrière-pays, ce dernier étant soumis à un mitage et une artificialisation compromettant les capacités de résilience et d’adaptation des espaces naturels, agricoles et forestiers.

LES CONSÉQUENCES POTENTIELLES DE LA MONTÉE DE LA MER

On survivra à ce phénomène mais il aura de profondes conséquences sociales et économiques. Outre la perte d’une partie des terres agricoles et de leurs productions, il y aura une migration vers l’intérieur des terres avec des conflits potentiels. Il y a aura une perte de l’immobilier littoral dont il est difficile de prévoir comment il serait compensé. Ceci pourra en partie dépendre des qualifications juridiques de ces pertes, auquel cas, l’indemnisation pourrait venir des assurances ou de l’Etat, mais les sommes en jeu rendent peu probable la possibilité d’une telle indemnisation, sinon, cela passera par « pertes et profits » pour les propriétaires avec des risques de mouvements sociaux ajoutés.

LES SOLUTIONS

Elles sont générales et locales. La principale solution est générale et consiste à tout faire pour limiter le réchauffement climatique : c’est l’effort de tous les pays.

Aux échelles locales, certaines solutions sont illusoires, comme, par exemple, la construction de digues, car incomplètes, fragiles et surtout, car l’augmentation du niveau de la mer s’accélérant, ces digues dont la construction est longue devront être constamment réhaussées. Il faut donc réfléchir différemment, en observant notamment ce que fait un pays particulièrement menacé, les Pays-Bas, dont un quart de la superficie est situé sous le niveau de la mer et qui a commencé à s’adapter : relocalisation progressive des foyers d’habitation vers l’Est du pays, redéploiement des réseaux de digues et renforcement des dunes naturelles tout en envisageant le développement d’habitats aquatiques. Si les digues sont imparfaites, ce pays a toutefois une tradition de gestion des digues de plusieurs siècles, avec des systèmes de drainage mais aussi de gestion des conflits et une haute culture démocratique.

Les auteurs insistent sur le fait que tout responsable d’aménagement sur un littoral vulnérable doit préparer ses choix en s’appuyant sur trois dimensions : d’abord le temps long, c’est-à-dire l’échelle de plusieurs décennies afin d’anticiper, ensuite le rapport couts-bénéfices en prenant en compte les services rendus par la nature et enfin, les emboîtements des échelles d’aménagement car une commune littorale s’intègre dans plusieurs systèmes territoriaux, de la communauté de commune jusqu’au bassin versant.

Et de conclure : « un repli stratégique anticipé, donc mieux ordonné, coûte toujours moins cher qu’un abandon contraint dans l’urgence. La clef de répartition des financements des relocalisations, le rôle des services assurantiels et la coordination des décisions doivent être discutés avec tous les acteurs et suffisamment tôt pour préparer la phase de transition en minimisant les risques de crise et de catastrophe. Toutes ces dynamiques d’adaptation n’ont de sens sur le long terme que si elles sont couplées à des politiques ambitieuses d’atténuation du changement climatique. Ces politiques devront être mises en œuvre tôt ou tard, comme le montrent clairement les scénarios de cette étude ». 

EN SAVOIR PLUS…

La montée de la mer d’ici 2100

    • Auteur : Denis Lacroix, Olivier Mora, Nicolas de Menthière, Audrey Bethinger
    • Éditeur : Quae
    • Parution : Octobre 2021
    • Pagination : 128 pages
    • Format broché : 25,00 euros

image_pdfimage_print