Ils ont perdu la raison

370 – Il y a longtemps qu’on ne présente plus Jean de Kervasdoué : cet ingénieur agronome, économiste de la santé, ingénieur des ponts et des forêts, avait été nommé directeur des hôpitaux sous François Mitterrand et introduit à l’hôpital le PMSI, lui-même à l’origine de la tarification à l’activité.

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Auteur de nombreux ouvrages sur l’écologie politique et la santé, il exprime une vision volontiers critique de notre système de santé auquel il reproche, entre autres, son excès de centralisation et le manque d’autonomie de ses hôpitaux. Dans les prêcheurs de l’apocalypse, il dénonçait déjà les manipulations dont certains acteurs de l’écologie faisaient leur fonds de commerce et jouaient sur la peur du public pour bloquer certaines innovations.

L’erreur du principe de précaution

Avec ce livre « Ils ont perdu la raison », l’auteur va plus loin : homme de gauche, comme il se plait à le répéter, il reproche à sa famille politique (ce sont eux les « ils » du titre) d’avoir cessé de croire au progrès ; et s’il se laisse parfois emporter par la force de sa conviction, il faut reconnaître que sa lutte contre la pensée unique est solidement argumentée.

Très critique vis-à-vis du principe de précaution dont l’inscription dans la constitution lui paraît une grave erreur, il passe en revue, pour les combattre, les faux dangers qui servent à affoler les populations et surtout à refuser le progrès.

Citant des ONG, « aussi non gouvernementales que non scientifiques qui manipulent l’opinion avec l’appui de la presse » et des politiques qui légifèrent en se substituant aux experts, tels Mme Duflot qui affirme sans rire que les moteurs Diésel sont responsables de plus de 40 000 morts par an, soit plus que le tabac, l’auteur montre bien qu’il est au bord de l’exaspération.

Oui, affirme-t-il, les risques de la pollution atmosphérique ou de la pollution de l’eau sont nettement surestimés dans notre pays.

Non, à ses yeux, les OGM ne sont pas des poisons, ne serait-ce que parce qu’il en existe autant de variétés que de plantes sauvages qui ne sont pas toutes vénéneuses, et surtout parce que près d’un milliard d’êtres humains en consomme sans nuisance patente.

Oui, les pesticides peuvent être dangereux mais, conçus pour tuer des « pestes » qui ravagent les cultures et produisent des toxines autrement plus maléfiques, leur bilan, s’ils sont utilisés prudemment, est globalement positif.

Jean de Kervasdoué condamne également les idées reçues sur l’énergie nucléaire, non polluante et bénéfique, avant de terminer sur la santé, son domaine de prédilection. Rappelant que les connaissances doublent tous les trois ans et que plus de 700 000 articles sont publiés chaque année dans des revues à comité de lecture, il n’hésite pas à accuser les lenteurs de l’accès aux innovations aussi bien que la liberté de prescription, qu’il estime obsolète et dangereuse.

Bref, conclut-il, les politiques ont perdu la raison car ils ne croient plus à la force du raisonnement scientifique et de l’expérience, mais cherchent à plaire à l’opinion publique au lieu de rechercher l’intérêt général.

Un livre décapant, qui se lit volontiers d’une seule traite.

Yves Carat

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