Le diable n’est-il que dans les détails ?
Un guide consacré à la télémédecine incite à réfléchir sur les modalités de cette pratique et ce qu’elle va modifier dans l’exercice médical des prochaines années.
Il y a un an, lors du confinement, plusieurs médecins ont fait des téléconsultations pour la première fois et certains ont initialement trouvé cela facile. Par ce prisme, le plus souvent hors cadre réglementaire, ils n’ont fait qu’aborder une des facettes de l’irruption du numérique dans la pratique médicale, un des modes d’exercice de la télémédecine, oubliant que cette dernière est très réglementée, faisant que le diable est souvent dans les détails… mais pas que.
De quelques détails diaboliques
A cet égard, le livre « Télémédecine et télésoin. L’essentiel pour pratiquer » écrit par Pierre Simon et Thierry Moulin est un guide indispensable, car pratique et relativement exhaustif tout en étant synthétique. Il définit le vaste champ de la télémédecine, ses différents cadres réglementaires et fournit plusieurs exemples de son utilisation. Le chapitre intitulé « Prérequis pour se lancer » est riche d’enseignements pour le médecin souhaitant pratiquer la télémédecine en en rappelant quelques principes.
Le premier est de vérifier que la qualité du débit numérique est suffisante. Le deuxième est de déclarer préalablement l’activité de télésanté à son assureur et à la CNIL. Puis, il faut choisir une solution numérique adaptée alors que plusieurs parmi celles proposées ne garantissent pas un prérequis indispensable : la confidentialité des données échangées.
Les auteurs rappellent au passage que les tiers technologiques ont une obligation de couvrir les risques potentiels que le matériel pourrait causer au patient. La solution numérique doit avoir plusieurs fonctions comme un agenda de prise de rendez-vous en garantissant que le médecin connaît déjà le patient et possède les données de sa carte Vitale et la garantie d’une interopérabilité avec les logiciels métiers et le dossier médical partagé, car « … les professionnels médicaux qui réalisent un acte de télémédecine doivent déposer son compte-rendu dans leur dossier médical professionnel ainsi que dans le dossier médical partagé du patient lorsqu’il a été créé ».
Les données colligées pendant la téléconsultation doivent pouvoir être conservées au moins dix ans et toute personne concernée par la télésanté doit être informée de ses droits et consentir explicitement à la collecte et à l’exploitation de ses données personnelles.
Autre prérequis, se former à la communication par écran interposé et s’organiser pour intégrer la télémédecine à sa pratique.
De quelques évolutions… peut-être diaboliques
Le livre ayant abordé la téléexpertise, la télésurveillance, la téléassistance, l’apport des robots et de l’intelligence artificielle… se termine par une mise en perspective de ce que pourrait être l’activité des médecins en 2030, lorsque la France aura terminé sa transformation numérique.
Les auteurs prévoient que les patients feront des demandes de soins sur une plate-forme numérique qui, par le biais d’un algorithme et de l’intelligence artificielle, fera un premier tri afin de juger de ce qui relève d’une intervention de santé.
Dans un parcours de soins coordonné et territorialisé, un infirmier de pratique avancée spécialisé en soins primaires recevra le patient, traitera la demande qui ne relève pas d’un médecin et effectuera la première démarche diagnostique avant que le patient ne soit vu par le médecin et le cas échéant, fera une prescription.
La prise en charge des maladies chroniques stabilisées se fera à domicile, le parcours de soins sera coordonné par le médecin traitant qui déléguera le suivi régulier à des infirmiers de pratique avancée et fera intervenir si nécessaire d’autres professionnels de santé par téléexpertise.
Le patient étant par ailleurs télésurveillé par des dispositifs fonctionnant avec des algorithmes à base d’intelligence artificielle devant permettre de gérer rapidement les complications. L’hospitalisation ne sera indiquée que pour des examens de haute technicité, des actes chirurgicaux complexes et des complications médicales graves.
Il sera alors devenu naturel pour le professionnel de santé qu’une partie de son activité soit déléguée et qu’une autre soit effectuée à distance. Les professionnels de santé seront intégrés dans des réseaux et structures pluriprofessionnels et seront plus souvent salariés que libéraux et la plupart des parcours de soins coordonnés seront forfaitisés.
L’irruption du numérique en médecine semble ainsi à considérer comme une des portes d’entrée de ce Nouveau Monde.
François Diévart
- Auteur : Pierre Simon et Thierry Moulin
- Editeur : Le Coudrier
- Collection : Outils pour la santé publique
- Date de sortie : février 2021
- Nombre de pages : 175
- Prix : 29,50 euros – Liseuse : 16,99 euros