Art gallo-romain : le trésor « méconnu » de Neuvy-en-Sullias

328 – Christian Ziccarelli – Nous sommes le 27 mai 1861, sept ouvriers tirent du sable dans une carrière proche de la Loire. En attaquant le talus haut de 3 mètres, l’un d’eux découvre au bout de sa pioche « une muraille sèche de briques superposées » d’ou émerge « la tête d’un cheval en bronze ». Dégageant la terre, d’autres objets apparaissent dans les décombres. Ils viennent de découvrir un trésor rare et inestimable de l’époque gallo-romaine. Philippe de Mantellier (1810-1884), le directeur du musée départemental historique de l’Orléanais comprenant l’importance de la découverte, réussit, après moult tractations financières, à acquérir en 1864, l’ensemble pour le Musée d’Orléans. Après cette découverte fracassante, le trésor sombre dans l’oubli le plus total, ne correspondant pas à l’esthétique de l’époque toute empreinte de classicisme. Il faut attendre 1955 et l’exposition à Paris sur la « Pérennité de l’art gaulois » pour que l’on reconnaisse enfin la qualité plastique des oeuvres exposées.

La reconnaissance des œuvres

C’est le cheval qui retiendra tout particulièrement notre attention. Il trône sur un piédestal au centre d’une salle de l’Hôtel Cabu (demeure d’époque renaissance, dite de Diane de Poitiers) consacrée à l’époque gallo-romaine en Orléanais. Témoignage exceptionnel de la grande statuaire antique en bronze, parvenu intact, c’est une pièce entièrement creuse fabriquée par le procédé dit de « fonte à cire perdue » ([Fonte à cire perdue : confection d’un modèle en cire, enrobé d’un moule réfractaire, la cire est ensuite évacuée du moule après être soumise à la chaleur d’une étuve et le métal est coulé à la place de la cire.)] (une vingtaine de pièces ont été coulées séparément pour ensuite être assemblées par soudures au bronze liquide). Sa datation reste incertaine, entre le Ier siècle avant J.-C. et le Ier siècle après J.-C. Etalon majestueux, la tête dressée, il est à l’arrêt, son attitude (antérieur gauche relevé) est comparable à un certain nombre de statues antiques romaines, en particulier à celles des chevaux de la Basilique Saint-Marc à Venise.

La tête, légèrement inclinée, les yeux grands ouverts, les nasaux frémissants et la crinière partagée en mèches épaisses de longueur inégale sont particulièrement bien figurés. Depuis sa découverte, l’inscription latine gravée sur le socle, utilisant trois modules de lettres de taille décroissante, fait l’objet d’interprétations passionnées entre les érudits. Sans discourir sur les différentes traductions, il semble être consacré à une divinité gauloise, Rudiobus (assimilé au Dieu romain Mars) et donné par la Curie de Cassicion. Surtout, lors de votre passage, n’oubliez pas d’admirer les énigmatiques danseuses nues et deux chefs-d’oeuvre de l’art animalier gaulois (le cerf et le sanglier porte-enseigne). ●

|Placé dans une cachette sommairement aménagée, ce « trésor » de bronze comprend, outre le cheval, une quinzaine de statues d’inspiration manifestement gauloise : des animaux (trois sangliers porte-enseignes, un bovidé et un cerf) et une extraordinaire collection de statuettes de 10 à 23 cm de haut (cinq femmes nues « dansant », deux hommes également nus, deux autres vêtus, l’un d’un sagum, l’autre d’une longue tunique). De style différent, un Bacchus-Hercule enfant, un Esculape, un guerrier armé à la romaine, un petit taureau et une longue trompette ont été soit importés d’Italie, soit fabriqués en Gaule d’après des modèle romains. Cet ensemble a été augmenté, en 1882, par l’acquisition de la danseuse nue et, en 1993, par celle d’une statuette d’homme nu dansant, également en bronze.|(gallery)

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