La statue menhir de Nativu (Patrimonio)

324 – Christian Ziccarelli – Taillée dans du calcaire marin, la statue mesure 2, 30 m de hauteur, 30 cm d’épaisseur et a une largeur de 60 cm au niveau des épaules. L’endroit fut fouillé par J. Magdeleine et J.-C. Ottaviani, qui mirent en évidence l’existence d’un alignement aujourd’hui disparu. Outre le visage particulièrement explicite, elle présente des pectoraux carrés, en relief, qui évoquent le port d’une armure.

Ce mégalithe([Les monuments mégalithiques (du grec méga « grand » et lithos « pierre ») peuvent être ramenés à deux types principaux : le dolmen (plusieurs blocs, dressés et couverts par une table horizontale) et le menhir (simple pierre fichée verticalement dans le sol).)] appartient au groupe des statues menhirs, véritables idoles lapidaires en rond de bosse. Si on les retrouve en Espagne, dans le Caucase, en Abyssinie, en Bretagne, dans le Sud de la France, en fait aux quatre coins de la planète, c’est probablement en Corse où leur concentration est la plus importante. Comment ne pas évoquer le site de Filitosa en Corse du Sud ?

Cette sculpture anthropomorphe nous interpelle à plus d’un titre. De quand date-t-elle ? Par qui a-t-elle été édifiée ? Que pouvait bien être sa fonction ? Comment a-t-elle été façonnée ?

Les mégalithes ont commencé à « pousser » dès le Ve millénaire avant notre ère, mais les statues menhirs sont apparues plus tardivement vers le IIIe millénaire.

Le mystère de la statue de Nativu

En Corse l’apogée de l’art mégalithique est classée en plusieurs stades, depuis la simple évocation de l’image humaine jusqu’à la figuration du crâne, des épaules, des traits du visage d’un réalisme saisissant. Le dernier stade semble correspondre à un état de guerre, car ces statues commencent à porter la figuration des armes et permettent de mieux les dater. Leur fabrication s’étale du bronze moyen (1700-1300 av. J.-C.) au bronze final (1100-800 av. J.-C.).

|Le passage du Bronze Ancien (2200-1700 av.J.-C.) au Bronze Moyen reste encore aujourd’hui très mal expliqué. | |_ La théorie ancienne (Robert Grosjean) d’une invasion des peuples de la mer, les Sardhanes (représentés sur les bas reliefs de Médinet Habu en Egypte) à qui l’on attribue la construction des turri, d’où la culture dite torréenne-shardane, ne repose, selon François de Lanfranchi et Michel Claude Weiss, sur aucun matériel archéologique. Alors pourquoi ne pas considérer que ces avancées architecturales sont dues aux populations locales |

Les groupes humains qui les ont édifiées, sont organisés en village (casteddi), pratiquent l’agriculture et l’élevage, disposent d’un ensemble d’aires symboliques et funéraires. Leur art et leur artisanat s’expriment dans des domaines variés qui vont de la fabrication de vases en argile cuite à la fonte du bronze dans des moules en vue de la production d’outils et d’armes. Ces hommes du bronze moyen ont innové en construisant la Turra ([Turra, turri : monument(s) de forme tronconique à un ou deux étages, distant les uns des autres de 5 à 10 km.)].

La fonction de cette statuaire est loin d’être parfaitement définie : s’agit-il de totems figurant les divinités du panthéon mégalithique ou bien des sortes de cénotaphes ([Un cénotaphe (du grec kenos « vide » et taphos « tombe ») est un monument élevé à la mémoire d’une personne ou d’un groupe de personnes et dont la forme rappelle celle d’un tombeau, bien qu’il ne contienne pas de corps.)] représentant « l’ennemi vaincu et respecté par la fixation de son image », hypothèse séduisante évoquée par Roger Grosjean ?

Leur lieu d’implantation a probablement un sens, de même que leur disposition, isolée (par exemple la limite d’un territoire) ou en alignement (elles pourraient être l’expression de certaines croyances, de rapport avec des signes célestes perceptibles, tels le mouvement des astres, la succession du jour et de la nuit).

La décision de les sculpter, de les façonner, puis leur mise en place en un lieu significatif demandent l’intervention d’un groupe social organisé, sous l’autorité d’un seul (le chef de tribu ?) ou au contraire selon le souhait de l’ensemble du groupe.

Reproduisant des archétypes, avec toutefois de légères variantes, elles sont en général en granit. Cette roche très dure nécessite une exécution longue et d’autant plus difficile que les « artisans sculpteurs n’utilisaient que le ciseau en quartz et un galet percuteur en roche dure ». Cette affirmation reste hypothétique, car les expériences réalisées par Francois de Lanfranchi, avec des outils en pierre se sont révélées un échec, seul le métal, et notamment le fer, permet d’arriver à des résultats satisfaisants.(gallery)

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