Le Château de Bourbon l’Archambault

Bourbon l’Archambault est environ à 25 kilomètres de Moulins. Le nom de Bourbon semble être rattaché à la divinité gauloise Borvo liée aux sources thermales. Cité balnéaire importante à l’époque gallo-romaine, Bourbon l’Archambault est le lieu de passage de voies romaines conduisant à Bourges, Autun, Lyon et Clermont-Ferrand. Capitale de l’ancienne seigneurie des seigneurs de Bourbon avant Moulins et elle fut au Moyen Age, selon le roman de Flamenca (*) écrit en 1234, une ville florissante. Situées sur une colline escarpée, les ruines imposantes du château dominent une bourgade, aujourd’hui, endormie sur son passé, un exemple remarquable d’architecture datant de Philippe le Bel.

Les ruines du château en 1834. Lithographie de Tudot d'après Dufour, publiée par Desrosiers (Archive du Patrimoine).
Les ruines du château en 1834.
Lithographie de Tudot d’après Dufour, publiée par Desrosiers (Archive du Patrimoine).

La seigneurie des ducs de Bourbon

Le château actuel date du Moyen Age (entre XIIIe et XVe s.), hormis la tour de l’Admiral (XIe et XIIe s). On connaît l’existence d’un premier château qui aurait été détruit par Pépin le Bref en 771 et reconstruit par Guy de Bourbon au IXe siècle.

Cette puissante forteresse est l’œuvre de Robert (1256-1317), comte de Clermont, fils de Saint Louis. Il devient seigneur de Bourbon par son mariage avec Béatrice de Bourgogne en 1272, baronne de la terre de Bourbon. Le château fut reconstruit de 1277 à 1287, avec attenant au logis, une chapelle romane où il déposera les reliques de la vraie croix donnée par Saint Louis. Leur fils, Louis 1er duc de Bourbon (1281-1341) fit construire une Sainte Chapelle en 1315 destinée à remplacer « la première chapelle du château jugée indigne de conserver les reliques rapportées de Terre Sainte par Saint Louis ». A la fin du XVe siècle, Jean II duc de Bourbon (1426-1488) fait bâtir une seconde Sainte Chapelle (1485) achevée par Pierre II. Le château fut vidé de son mobilier après la trahison du Connétable de Bourbon en 1523, avant d’être en partie détruit au XVIe siècle (servant de carrière aux gens du village). A la révolution le château acheté par un maçon qui l’exploita comme carrière de pierre. A la restauration il revint au prince de Condé, puis au duc d’Aumale en 1832. Le château fut mis en vente. Les ruines actuelles ont été retirées de la vente grâce à l’intervention d’Achille Allier (1807-1836), historien, conteur, poète et imagier du Bourbonnais.

Une forteresse imposante

Construit sur une colline escarpée, le château était bordé à l’Est par un ravin, au Nord par un fossé profond, à l’Ouest par un étang et au Sud par la vallée de la Burge.

Le plan est rectangulaire (150 mètres de long sur 50 à 55 mètres de large). La forteresse était entourée d’une enceinte de murs en pierre, flanquée de quinze tours avec un accès au Nord par un pont-levis entre deux tours en avancée, couronnées de mâchicoulis, et au Sud, à la basse cour par une poterne du côté de la ville. Proche du mur sud, à l’Est il y avait un moulin fortifié.

A l’intérieur de cette enceinte « le logis seigneurial » de Louis II, avec une petite aile en retour au Nord Ouest, est sur deux niveaux. Des chapelles sont attenantes à l’escalier de la grande salle du premier niveau (salle où logeait la garnison – les gens d’armes) et situées au Sud-Ouest en prolongement de la petite aile en retour. Le mur de la grande salle au Nord est bordé par les trois tours du Nord. La salle d’apparat, en toute vraisemblance, était la salle du deuxième niveau, haute et élancée. Aujourd’hui seules subsistent les trois tours du Nord avec des ébauches de structures attenantes permettant au XIXe siècle la reconstitution du plan et la tour de « Qui qu’en grogne » (*). Elle est appelée ainsi car sa construction serait à l’origine de réclamations de la part des bourgeois de la ville qui la croyaient tournée contre eux.

Chateau Coupe des 3 tours

 

Les trois tours nord de même hauteur, du XIIIe et XIVe siècle, sont de plan circulaire, sur trois niveaux desservis par un escalier à vis aménagé à l’intérieur des murs. Elles sont agrémentées d’un parement en moyen appareil de pierres taillées en bossage, très régulier. Elles sont percées d’archères en étrier à ouverture rectangulaire. De grandes salles sont étagées sur trois niveaux. Celles du rez-de-chaussée sont voutées d’ogives à six branches reposant contre les murs, sur des culots ornés de crochets avec ou non des têtes humaines ou d’animaux domestiques. La sculpture de la tête d’un moine à l’expression narquoise et pleine de vie, tranche sur le caractère beaucoup plus stéréotypé des autres figurations. Louis II de Bourbon, à la fin du XIVe siècle, fera surélever la courtine et les tours. Cette reprise est parfaitement visible sur le bâti.

Un modèle architectural du passé…

Les châteaux au Moyen Age, expression du pouvoir, sont conçus comme un lieu ostentatoire assurant la protection du seigneur et de son entourage. Sous le règne de Philippe Auguste l’architecture militaire est standardisée : une tour maîtresse, le donjon, dernier lieu de refuge en cas de guerre, dominait une enceinte flanquée à intervalles plus moins égaux de tours circulaires ou semi-circulaires. Une porte fortifiée bordée de tours semi-circulaires en permettait l’accès par un pont-levis. Le plan circonscrit par l’enceinte répond à un tracé géométrique, en règle un rectangle plus ou moins régulier. Bourbon l’Archambault se rattache au XIIIe siècle, par son plan rectangulaire, la disposition des tours de l’enceinte.

Mais aussi empreint de nouveauté

Sous le règne de Philippe le Hardi et de Philippe IV le Bel, l’architecture militaire pour assurer la protection du royaume se modifie. Les plans sont différents, la conception des bâtiments est plus technique : construction d’archères pourvues d’étriers à la base avec des coussièges, de couloirs très allongés pour les portes d’entrée avec plusieurs herses et surtout l’utilisation nouvelle, pratiquement systématique, du parement à bossage rustique, favorisant le jeu d’ombre et de lumière donnant une impression de puissance et de solidité. Il n’est pas improbable « que Robert, personnage important du royaume, ait mis à disposition de sa femme  des ingénieurs royaux pour reconstruire le château de Boubon l’Archambault ». Ce qui pourrait expliquer la présence du bossage sur les tours nord, jusqu’à alors inconnu en Bourbonnais. Le bossage est rustique à larges ciselures et similaire à celui des fortifications royales en Languedoc (Aigues Mortes, Carcassonne). Deux autres châteaux des comtes de Bourbon, celui d’Hérisson (1284) et de Charolles (après 1277) ont le même parement rustique. La construction d’archères pourvues d’étriers avec des coussièges, la présence d’un  couloir très allongé pour le châtelet d’entrée avec deux herses successives, sont également des nouveautés que l’on retrouve au château de Bourbon l’Archambault.

Le Château de Bourbon l’Archambault est un exemple remarquable de l’architecture méconnue du temps de Philippe le Bel. Les grandes salles du logis sont à rapprocher de celles du Palais de la Cité à Paris (salle des Gens d’Armes – La salle des Pas Perdus – et de Grande Salle, détruite, aux effigies des rois de France, datant de Philippe le Bel) comme la Sainte Chapelle de Louis 1er, de la Sainte Chapelle de Saint Louis. Proche, l’église romane de Saint Menou réserve une surprise : un « débeurdinoir ».

(*) Flamenca, chef d’œuvre de la poésie narrative méridionale met en scène trois personnages fictifs, Archambault de Bourbon, sa femme Flamenca et Guillaume de Nevers, les principaux seigneurs qui, au XIIe siècle, étaient proches de Philippe Auguste.

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