Le labyrinthe de Chartres

356 – Christian Ziccarelli – Le Labyrinthe, tout un mythe _ Originellement, le Labyrinthe est le palais Crétois de Minos où était enfermé le Minotaure. Pour prouver ses droits sur le trône de la Crète dont il était devenu le roi, « Minos demanda aux dieux d’exaucer ses prières. Après avoir dédié un autel à Poséidon et fait tous les préparatifs pour le sacrifice, il demanda qu’un taureau sortît de la mer. Aussitôt un taureau d’un blanc éblouissant apparu, mais tellement impressionné par sa beauté, il l’envoya rejoindre ses propres troupeaux et en tua un autre à sa place ». Pour se venger Poséidon fit que Pasiphaé, la femme de Minos, s’éprit du taureau blanc, si bien qu’elle en eut un fils le fameux Minotaure. Pour éviter le scandale, Minos demanda à Dédale de construire une demeure d’où il ne pourrait jamais sortir, le Labyrinthe. Androgée, un des fils de Minos, alors qu’il se rendait à des jeux funèbres, fut tué dans une embuscade tendue par le roi d’Egée. En représailles Minos exigea que les Athéniens envoient sept jeunes gens et sept jeunes filles tous les neuf ans au Labyrinthe où le Minotaure, les attendait pour les dévorer. Thésée, devant la douleur des parents dont les enfants étaient susceptibles d’être tirés au sort, s’offrit volontairement, comme victime. Ariane la propre fille de Minos eut « le coup de foudre » pour Thésée. Dédale avait donné à Ariane un peloton de ficelle magique qui allait permettre à Thésée à la fois de se rendre au repaire secret du Minotaure pour le tuer, mais aussi de retrouver la sortie du Labyrinthe.

Octogonaux ou circulaires, la plupart des labyrinthes de nos cathédrales nous sont connus grâce à des dessins _ En fait, il s’agit de développer un seul chemin aussi long que possible qui part de l’extérieur et aboutit au centre. Celui de Chartres est constitué par des dalles claires en calcaire de Berchères larges de trente-quatre centimètres, que cloisonnent des bandes de pierre sombre (marbre bleu noir) de huit centimètres. La longueur du parcours est exactement de 261,50 m. A Lucques, on retrouve soigneusement gravé sur un pilier du porche roman de la cathédrale, un labyrinthe « en miniature » rigoureusement identique à celui de Chartres. En fait Le labyrinthe fait partie d’une longue tradition. Le plus ancien du monde chrétien est en Algérie, il date de 328. On le retrouve dans de nombreux manuscrits, ou sur des murs d’église aux quatre coins de l’Europe.

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Le dédale, la lieue, le chemin de Jérusalem _ Telles sont les trois autres désignations du labyrinthe. Dédale n’était autre que l’architecte de Minos à qui il avait demandé de construire le Labyrinthe pour cacher en son centre le Minotaure. La lieue correspond à une unité de longueur voisine de 4 km. A pied, il faut environ une heure pour parcourir cette distance. C’est le temps mis par les pèlerins qui le font, encore aujourd’hui, à genoux en récitant le Miserere. Le chemin de Jérusalem est plus énigmatique. Il pourrait être l’équivalent d’un pèlerinage en terre sainte. Le croyant, qui ne pouvait l’accomplir en réel, le parcourait en imagination jusqu’à ce qu’il arrive au centre, aux lieux saints. Il pouvait ainsi obtenir des indulgences.

L’origine de ce tracé peut être recherchée dans la civilisation crétoise, mais il est également possible que la société mégalithique l’ait introduit en Europe occidentale, car dans le musée de Dublin on peut admirer un magnifique labyrinthe mégalithique gravé dans la pierre. Pour le monde gréco-romain, c’est le déroulement de la vie, aboutissant au monde des morts, pour les chrétiens au contraire l’aboutissement, c’est le paradis.

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Sans tomber dans l’ésotérisme _ Gravés sur le sol, les labyrinthes sont la signature de confréries initiatiques de constructeurs, expliquant la présence de leurs noms. A Amiens, les portraits de l’évêque et des trois architectes sont incrustés dans la dalle centrale en marbre blanc.

A Chartres, il est curieux de constater que le diamètre du labyrinthe est à peu de chose près égal au diamètre de la rose occidentale. La distance du centre au mur de la façade est voisine de la distance du sol au centre de la rose. Une ligne imaginaire joignant le centre de la rose au centre du labyrinthe serait l’hypoténuse d’un triangle remarquable à la fois rectangle et isocèle…

On retrouve régulièrement les nombres 3 (symbolique de l’esprit), 4 (celui de la matière) et le chiffre 7 (le centre est en face des piles qui divisent les sept travées de la nef en 4+3, il y a également 4 travées dans le coeur et trois dans chaque bras du transept).

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