« L’étrange histoire de Benjamin Button »

321 – Christian Ziccarelli – Nous sommes à la Nouvelle Orléans, en 1918, un célèbre horloger aveugle fabrique en son atelier une pendule destinée à la nouvelle gare de la ville. Avant l’inauguration, il apprend la mort de son fils sur le champ de bataille. Le jour de la cérémonie, il dévoile, devant les notables, une horloge dont les aiguilles vont à rebours. Le ton du film est donné.

« Curieux destin que le mien… ». Ainsi commence l’étonnante histoire de Benjamin Button (Brad Pitt), né le 11 novembre 1918. Sa mère meurt en lui donnant la vie. Son père, horrifié en le voyant, l’abandonne devant la Maison de Retraite Nolan. La gardienne, Queenie (Taraji Penda Henson) ([Taraji Penda Henson, révélée par le drame musical « Hustle et Flow » qui marquait sa troisième collaboration avec John Singleton après « Baby Boy » et « Quatre frères », a tourné récemment en vedette avec Don Cheadle dans « Talk to me ».)] le recueille. Benjamin Button naît à 80 ans, vit sa vie à l’envers et, finalement, s’éteint nouveau-né, aussi impuissant que nous à arrêter le cours du temps. Ses relations avec Daisy (Cate Blanchett ([ Cate Blanchett (Daisy) a remporté en 2008 unedouble citation à l’Oscar : meilleure actrice pour « Élizabeth », « L’âge d’or » et meilleur second rôle féminin pour « I’m not there ».)]), (sa compagne de jeu, puis sa femme) ne sont pas toujours faciles et évoluent au court du temps. Finalement elle accepte sa condition. Mais n’en disons pas plus !

| « L’hypothèse a de quoi fasciner. Ce serait une autre vie, assurément, et pourtant le premier baiser, le premier amour resteraient aussi marquants, aussi significatifs. L’important n’est pas tellement de savoir dans quel sens vous vivez votre vie : ce qui compte, c’est comment vous la vivez. » E. Roth |

Depuis l’Antiquité, l’homme ne souhaite-t-il pas remonter le temps ? Déjà, Eson, père de Jason, quand il fut devenu vieux, demande à la magicienne Médée de le rajeunir (Ovide : Les Métamorphoses, Livre VII).

Au-delà d’une fantastique histoire d’amour ce film aborde le bonheur de vivre, la vieillesse, la mort (touchant du doigt l’extrême fragilité de l’humanité), l’abandon, l’oubli, la douleur de perdre les siens, la bonté, en fait la vie avec ses joies et ses peines.

L’origine de ce film est une nouvelle du grand écrivain américain des années 1930, Francis Scott Key Fitzgerald (1896-1940) qui en avait trouvé l’inspiration dans cette pensée de Mark Twain : « La vie serait bien plus heureuse si nous naissions à 80 ans et nous approchions graduellement de nos 18 ans ».

Le scénario est écrit par Éric Roth. Modifiant profondément l’histoire, il n’en garde que le titre, le nom du héros et le concept de rajeunissement. Durant la conception et l’écriture du texte, il eut la douleur de perdre son père et sa mère : « Ces morts furent une épreuve qui me fit envisager les choses d’une autre manière. Je pense que les spectateurs seront réceptifs à ce qui m’a fait réagir dans l’ histoire de Benjamin Button ».

Il est porté magistralement à l’écran par David Fincher, cinéaste maîtrisant parfaitement les techniques et les effets spéciaux. Son premier long métrage n’était-il pas Alien 3, le troisième film de la saga d’Alien ?

Brad Pitt, confronté au thème de la mortalité, affirme « qu’il est plus enclin, maintenant, à profiter chaque jour de sa vie…, j’ai fini ce film en prenant conscience que la vie était courte…, suis-je à la moitié de ma vie ou me reste-il un jour ou dix jours ou quarante ans à vivre ? ».

Dans les années précédents le film, Taraji Penda Henson et David Fincher eurent la douleur d’accompagner en fin de vie l’une sa mère, l’autre son père. Tourner ce film leur a servi, sans doute, d’exutoire, comme le laissent percevoir leurs interviews.

| La nouvelle de F. Scott Fitzgerald (1921). (Folio) | |Nous sommes à la veille de la Guerre de Sécession, en 1860 à Baltimore, Mr et Mrs Roger Button jouissent d’une « situation sociale et financière des plus enviables ». La vie de Mr Button est bouleversée lorsque Mrs Button accouche d’un nouveau-né ayant l’apparence d’un vieillard, un homme de 70 ans à la longue barbe blanche. Quelle honte pour cet homme de la bonne société ! Rejeté et honnis de tous il refuse l’âge de son fils. Il s’obstine à le traiter comme un enfant, il l’habille comme un adolescent, allant jusqu’à lui acheter « des soldats de plomb…, de gros animaux en peluche, alors que Benjamin se plonge dans l’Encyclopedia Britannica en fumant les cigares de son père ». De jour en jour, il rajeunît. Ã 18 ans (mais en paraissant 60 ans), souhaitant s’inscrire à l’université, il doit s’enfuir sous les sarcasmes des professeurs et des étudiants. Lors d’un bal, il rencontre celle qui allait devenir sa femme, Hildegarde Moncrief, au grand dam du père de celle-ci : Général. Que fait cette jeune et jolie femme avec cet homme de « trente ans son aîné » ? De cette union naît un fils, Roscoe. Elle, vieillissant, lui rajeunissant, la vie conjugale devient de plus en plus ennuyeuse, la situation absurde. En 1910 (à 50 ans il en paraît 20), il vit chez son fils, continue à rajeunir, devient un enfant. Mais comment accepter ce père hors du commun, encombrant avec ses rêveries d’adolescent ? Rejeté, méprisé par tous, il se retrouve en classe maternelle avec son propre petit-fils ! Son dernier souvenir sera celui du « goût tiède et sucré du lait ».|(gallery)

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