Quand mes goûts rejoignent ceux d’une célèbre écrivaine ! Ma découverte du champagne Mouzon-Leroux est singulière : en vacances à Cannes, recevant des amis, je fis, sur les conseils d’une caviste bien achalandée et fort avisée, l’emplette d’une bouteille de cette marque que je ne connaissais absolument pas.
Sa dégustation nous enchanta. Lorsque je remerciai ma caviste pour son excellent choix, elle me déclara : « Vous n’êtes pas le seul à apprécier cette cuvée, car Amélie Nothomb (experte s’il y en a en champagne) guidée chez moi après avoir dédicacé son dernier ouvrage dans la librairie voisine, me complimenta pour la qualité de cette même bouteille ».
Voilà qui m’incita à m’intéresser et à goûter les vins de ce domaine Mouzon-Leroux, où il y a un avant et un après. Avant : une longue lignée de viticulteurs de père en fils depuis 1776 élaborant un bon produit sans esbroufe ; et après : 2008 où le jeune Sébastien Mouzon réussit à convaincre ses parents de lui laisser les rênes du domaine, pour passer en biodynamie, à l’aide d’un rapport de 100 pages explicitant sa démarche, et là eut lieu une véritable révolution.
Ce domaine familial de 8 ha sur 60 parcelles au pied de la Grande Montagne de Reims est sis à Verzy. Tous les raisins proviennent de ce terroir grand cru réputé pour la qualité de ses pinots noirs. Le sol argilo-calcaire repose sur des silex (craie du Campanien Inférieur)[1]. L’exposition nord-est confère la singularité de ce terroir décrit comme « austère et froid ». Le travail en biodynamie certifiée applique l’agroforesterie avec plus de 500 arbres plantés parmi les vignes, l’introduction d’animaux pour le pâturage d’hiver, le purin d’ortie permet d’augmenter la quantité d’azote dans le sol et de protéger la récolte des maladies. Camomille, millepertuis, achillée, osier « déstressent » les ceps. Le mildiou est traité par le cuivre. Le sol est enrichi par de la bouse de corne. La traction animale est privilégiée, pour éviter le compactage des sols.
La champagnisation est, de la même façon, particulièrement soignée : pressurage des raisins issus des deux cépages, pinot noir et chardonnay, fermentation alcoolique par levurage indigène, assemblage des différents crus avec des vins de réserve des deux cuvées précédentes, fermentation malo-lactique spontanée recherchée, pour donner de la rondeur, et surtout limiter drastiquement les doses de sulfites, élevage sur lies pendant 7 à 8 mois pour 25 % en fûts de chêne, 75 % en cuves acier, embouteillage sans filtration, ni collage avec ajout de liqueur pour la prise de mousse, élevage naturel en bouteilles sur lattes pendant 32 mois, dégorgement par congélation du col, liqueur de dosage comportant très peu de sucre pour la cuvée l’Atavique, vieillissement ensuite dans les caves 6 mois en moyenne.
La cuvée baptisée l’Atavique (car issue de l’expérience d’une longue succession de vignerons), extra-brut non millésimé assemble 60 % de pinot noir, 40 % de chardonnay, dont plus de la moitié proviennent de la vendange 2015. Le dégorgement fut réalisé en janvier 2019. Le dosage en sucre est minimal : 1,5 g/l.
Dans le verre, ce champagne offre le spectacle d’un brillant pétillement jaune d’or pâle, où les colonnes de très fines bulles se dégagent pour rejoindre une mousse crémeuse et pulpeuse, le nez est tapissé d’arômes d’agrumes : pamplemousse, citron, de senteurs anisées de fenouil, verveine, de petites notes oxydatives de fruits secs, d’épices douces : cannelle, paprika. Des fragrances de brioche beurrée favorisées par l’élevage sous bois apportent de la complexité.
Une cuvée avec beaucoup de personnalité
En bouche, le vin est frais, vif, aérien, mais traduit aussi une certaine tension veloutée, sensuelle, saline, la finale tonique s’allonge sur des notes de fruits blancs. En définitive, cette cuvée exprime beaucoup de personnalité, d’ampleur, de longueur qui la classe dans le peloton de tête des champagnes non millésimés.
Grâce à sa fraîcheur, sa vivacité, cette Atavique apparaît idéale pour l’apéritif d’un repas festif en épousant gougères, rillettes de thon ou colin, saumon fumé avec crème fraîche et aneth. Mais son ampleur lui permet aussi d’accompagner à merveille des mets de grande cuisine : oursins en gelée de pomme, huîtres gratinées au vin effervescent, coquilles St-Jacques sauce au cèpe, turbot au sabayon de champagne.
Voici donc une cuvée qui, à l’instar de son créateur, surprend par sa personnalité, son caractère, sa longueur aromatique. Seul bémol : il n’y a plus de vente à la propriété et il faut la dénicher chez un bon caviste à un prix raisonnable : moins de 30 euros.
Laissons conclure Sébastien Mouzon : « Ce champagne apporte bien-être au corps et à l’esprit ».
Domaine familial Mouzon-Leroux et fils – 51380 Verzy
(1) voir l’échelle des temps géologiques
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération