Fleurie La Madone 2018 domaine Chamonard

Tout commence à Villié-Morgon quand, sous l’impulsion de Marcel Lapierre guidé par les écrits de Jules Chauvet, pionnier des vins naturels, 4 mousquetaires : Jean-Paul Thévenet, Guy Breton, Jean Foillard et Jean-Claude Chanudet, dit le Chat, rejoints par Georges Descombes à Brouilly, excédés par la prolifération des vins industriels dans le Beaujolais, décident d’élaborer des vins digestes, authentiques, respectueux du terroir, bref des vins qu’ils avaient tout simplement envie de boire.

Ious pratiquent à peu près de la même façon : travail minutieux du sol, arrêt quasi-total du désherbage chimique, traitements par des produits naturels, absence de soufre, macération carbonique complète, fermentations lentes en refroidissant le raisin, extraction douce, élevage sur lies fines. A l’arrivée : des vins extrêmement soyeux en bouche, un fruité éclatant, une buvabilité incomparable.

Jean-Claude Chanudet, le Chat, fils de vigneron après une première vie dans l’embouteillage, reprend, en 1989, le domaine Chamonard qui appartenait à son beau-père. L’objectif est très clair : faire des vins d’artisan-vigneron, sans intrants chimiques. Dans ce contexte, Jean-Claude commence à produire des vins naturels (encore que le Chat déteste maintenant cette qualification). Sa sensibilité, son bon sens paysan lui permettent de valoriser les vieilles vignes de 60 à 90 ans sur un petit domaine de 4 ha à Morgon et 0,5 ha à Fleurie. La parcelle de Fleurie est plantée sur la colline de la Madone (qui tire son nom de la statue de la vierge au sommet de la chapelle qui surplombe cette colline) sur un terroir de granit rose et de schistes friables. Les vignes sont cultivées en agriculture biologique selon le respect de l’environnement, sans produits chimiques avec un léger labourage du sol, les parcelles légèrement pentues sont plantées dans des sols bien drainés orientés sud et sud-est, de manière à favoriser la maturation du raisin et des conditions sanitaires optimales. La vendange est manuelle (obligatoire dans le Beaujolais).

Fidèle à l’école de Marcel Lapierre, le Chat produit ses vins par macération carbonique complète : la vendange entière non égrappée est placée dans des cuves bétons fermées saturées de CO2 qui augmentent la pression sur les grappes, pour libérer leur jus. Cela favorise, grâce à des levures autochtones, la fermentation alcoolique qui va être progressive et ralentie par le froid. Ce long processus de macération va permettre d’extraire le maximum de couleur et d’arômes. Ensuite, surviennent décuvage et pressurage grâce à un pressoir vertical rincé à l’eau de vie avant chaque presse. La fermentation alcoolique se termine après assemblage des jus de goutte et de presse. Elle est suivie par la fermentation malo-lactique qui assouplit le vin et le rend moins acide. L’élevage en vieux foudres et demi-muids s’étend sur 10 à 12 mois. Le sulfitage est minimal jusqu’à la mise en bouteille qui s’opère sans collage, ni filtration.

Robuste patriarche à l’abondante barbe blanche soyeuse, le Chat n’a rien perdu de son dynamisme , ni de sa vivacité d’esprit, mais a longtemps cru que son domaine ne resterait pas dans la famille. Mais son unique fille, Jeanne, a décidé de s’associer à son père qui peut maintenant envisager une retraite apaisée.

Le plus fin et le plus élégant des crus du Beaujolais

Le Fleurie est considéré comme le plus fin et le plus élégant des crus du Beaujolais et cette cuvée La Madone 2018, parée d’une robe pourpre intense aux reflets violets, ne déroge pas à cette règle. Elle exhale des arômes floraux : iris, violette, pivoine, associés à des senteurs de fruits noirs : mûre, cassis, de griotte, d’épices : poivre blanc, réglisse et d’encens qui envahissent le nez et tapissent le palais. La bouche est dense, ronde, enveloppante. Les tanins soyeux, patinés établissent une structure et un équilibre très harmonieux. En finale, la Madone offre une salinité et une bonne minéralité qui donnent l’impression de goûter le granit affleurant. Ce vin, doté d’une finesse remarquable, n’est pas dénué d’une certaine richesse et d’une franche gourmandise. C’est toute la quintessence du gamay qui est mise en valeur dans cette cuvée.

Comme tous les crus du Beaujolais, ce Fleurie escorte, sans heurt, toutes les cochonnailles : saucissons secs, jambons crus, salés ou persillés, terrines, de même les classiques de la cuisine lyonnaise : tablier de sapeur, pied de porc, sabodet à la vigneronne, gras double. Ce vin permet un accord tout en douceur avec l’andouillette grillée pommes pont-neuf. La finesse de Fleurie ne s’accommode guère des viandes rouges, telles les pièces de bœuf, pour lesquelles on optera pour des vins plus puissants et charpentés, type Morgon vu Côtes du Rhône. Par-contre, le vin se marie très bien avec des viandes blanches fines comme un filet mignon de porc, une côte de veau grillée ou un quasi en cocotte, voire un poulet rôti. Sa fraîcheur et sa faible charge tannique équilibreront le gras d’un reblochon ou d’un vacherin, mais aussi des fromages à pâte dure : comté, gruyère suisse, cheddar anglais. Son côté fruité et onctueux en fait un allié des desserts à base de fruits rouges.

Les convictions de la famille Chanudet sont aussi solides que le granit, sur lequel poussent leurs vignes ; prendre des risques, garder patience, respecter le terroir, pour délivrer toute la force du gamay et produire des vins de caractère, fins, équilibrés, d’une étonnante longévité. Malgré sa qualité, ce vin reste, à l’instar de beaucoup de Beaujolais, à prix doux aux alentours de 25 €.

Jeanne et Jean-Claude Chanudet
Le Clos des Lys – 69910 Villié-Morgon

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération

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