Château Haut-Marbuzet

La flamboyance, voilà ce qui caractérise tant le caractère des vins de Haut-Marbuzet que celui de son extravagant propriétaire Henri Duboscq. Opulents, riches, séducteurs, les Haut-Marbuzet se montrent irrésistibles dès leur mise en bouteille, contrairement à la plupart des vins de Saint-Estèphe, la plus septentrionale des grandes appellations de la presqu’île du Médoc donnant souvent vent des vins austères et virils dans leur jeunesse.

En 1952, Hervé Duboscq acquiert, en rente viagère, quelques hectares. de vignes en friche issus du morcellement du vaste domaine Mac Carthy un siècle plus tôt. Il ressuscite le vignoble et commercialise ses vins directement aux consommateurs. Son fils Henri le rejoint en 1962 pour imprimer un style très personnel fondé sur l’onctuosité des tanins grâce à l’utilisation importante du cépage merlot et l’élevage intégral en barriques de chêne neuf. Le vignoble initial va être progressivement reconstitué avec l’acquisition des meilleurs terroirs, car à cette époque, les prix restaient très abordables par rapport aux sommets actuels. Le domaine, s’étendant actuellement sur 75 ha, est excellemment situé sur le plateau de Marbuzet face à la vallée de la Gironde sur une pente douce de graves günziennes soutenues par un sous-sol de calcaire, alios et argiles bleues régulant l’alimentation hydrique. Le grand vin est produit au sommet de la croupe séparée par des combes du château Cos d’Estournel et Montrose les célèbres 2es grands crus de Saint-Estèphe (magnifique environnement !).

Le Haut-Marbuzet, à l’époque en pleine déconfiture, n’a pas été retenu dans le classement des Médoc de 1855, mais a été titré en 2003 : cru bourgeois exceptionnel et actuellement maints spécialistes l’élèvent au niveau des 3es grands crus.

Les vignes, âgées en moyenne de plus de 50 ans, sont cultivées en lutte raisonnée, labourées et griffées, sans désherbant chimique avec un travail soigné du sol, des ébourgeonnages et rognages précis. Les raisins vendangés en légère surmaturité sont triés à la vigne, puis au chai, et totalement éraflés. Initialement, et c’est ce qui avait fait son succès immédiat, la vinification longue, la fermentation à haute température, la macération sur
3 semaines en cuves béton, les remontages biquotidiens, les saignées aboutissaient à des vins puissants, fortement extraits, bénéficiant d’un élevage de 18 mois uniquement dans du chêne neuf, magnifiques dans leur jeunesse, mais qui perdaient de leurs attraits après une dizaine d’années de garde. Mais, avec le vieillissement du vignoble, Henri Duboscq, intelligent et intuitif, rejoint par ses fils Bruno et Hugues qui privilégient la subtilité et la finesse, comprend que ses vins ont besoin de moins d’extraction et de bois neuf. La thermorégulation est introduite, les températures de fermentation limitées, le cépage petit verdot est planté au dépens du cabernet franc, la fréquence des remontages est diminuée, le bois neuf est limité à 75 %. Le sulfitage reste très faible, la mise en bouteille est précédée d’un collage au blanc d’œuf et d’une légère filtration. Ainsi, si les vins gardent le style maison, ils évoluent vers une élégance plus affirmée et un classicisme bordelais plus marqué (ce qui peut dérouter les aficionados de la première heure).

Une sensualité au charme fou

Ce Haut-Marbuzet 2016 assemblant 50 % de cabernet sauvignon, 40 % de merlot, 5 % de cabernet franc et petit verdot, paré d’une robe rubis pourpre profond, exhale des senteurs de violette, des arômes de fruits noirs confiturés : cassis, cerise noire, mûre, des notes de prune surmûrie et d’épices : poivre blanc, coriandre, réglisse bien fondues. La bouche riche, tendue dévoile de beaux tanins veloutés, une bonne mâche fondante, harmonieuse, longue et équilibrée. Ce vin au fruité intense, au bouquet voluptueux peut paraître un peu ostentatoire, mais en fait dévoile un raffinement, une sensualité au charme fou, délectable actuellement, mais qui sera grandiose dans l’avenir.

Ce Haut-Marbuzet opulent et séducteur issu d’un très grand millésime fera honneur à la cuisine bistrotière. En entrée, il s’appréciera avec une mousse forestière de canard ou une terrine de sanglier. Mais c’est avec les viandes qu’il réalisera les accords les plus savoureux : l’agneau, selle, épaule ou gigot de 7 heures aux fèves, toute viande rouge grillée ou rôtie : contre filet ou côte de bœuf, tranche de veau bien épaisse à condition d’éviter les légumes verts qui durcissent le vin. Les plats mijotés, navarin ou jarret de veau aux chairs déstructurées par la cuisson, seront rehaussés par le vin. Sa finesse s’accommode très bien des viandes blanches : pigeon et galette de courgettes, faisan jardinière, civet de lapin, cassoulet de confit d’oie. Il participera aux fêtes de Noël en escortant un chapon, une dinde rôtie. Il peut dès maintenant, contrairement aux grands crus du Médoc, accompagner les gibiers : perdreaux rôtis, noisette de chevreuil grand veneur, fricassée de marcassin. En fin de repas, il affectionne les vieux fromages de Hollande aux goûts de noisette ou un beau saint-nectaire.

« Pour produire un vin que j’aime et qui me ressemble, déclare Henri Duboscq, je me suis battu contre ce terroir donnant des vins austères, voire agressifs, dans leur jeunesse, pour produire le plus marginal des Saint-Estèphe. J’ai dompté mon terroir par des méthodes de vinification qui me sont propres : vendanges tardives, forte proportion de merlot, logement en barriques de chêne neuf en mixant différents types de bois en fonction du millésime », ce qui lui permet de proclamer « Je n’hésite pas à appeler mon millésime 2016 : la beauté du monde ».

Henry Duboscq et Fils – 33180 Saint-Estèphe

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