Jurançon, Domaine de Souch – Cuvée Marie Kattalin 2006 Yvonne Hegoburu

Jean Helen – Royal, le Jurançon est entré dans l’histoire lors du baptême du futur Henri IV, dont les lèvres auraient été humectées de quelques gouttes de ce vin.

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Les vignes de Jurançon perchées sur les contreforts pyrénéens aux coteaux très pentus, interdisant la mécanisation, reçoivent du sud le vent d’Espagne et de l’ouest celui de l’Océan Atlantique, bénéficiant de la protection du Pic du Midi d’Ossau. Elles poussent sur les poudingues, roches détritiques modelées par l’érosion, recouverts localement de formations d’argiles, graviers et galets qui permettent aux racines des ceps de s’infiltrer profondément et d’assurer leur alimentation hydrique.

Les cépages traditionnels, gros et petit manseng, courbu, lauzet produisent d’excellents blancs secs, mais surtout de remarquables liquoreux souvent comparés aux Sauternes. Mais, différence notoire, ces vins ne sont pas botrytisés, car la pourriture noble, non recherchée peut même être délétère. Les grains des mansengs ont une peau épaisse qui permet de retarder leur cueillette jusqu›à novembre, voire fin décembre pour les vendanges tardives, afin de concentrer le sucre par la technique du passerillage, où sont lentement déshydratées les baies par le soleil et le vent chaud du sud, le foehn. Cela impose des vendanges par tries successives des grappes, pour obtenir leur pleine maturité avant toute pourriture, et limite drastiquement les rendements aux alentours de 20 hl/ha pour le domaine de Souch.

 

Une vie commencée à 60 ans !

Yvonne Hégoburu, débordante d’une générosité qu’on retrouve dans ses vins, gère ce domaine avec une énergie et une passion exceptionnelles. Maintenant octogénaire, elle n’a commencé sa vie de vigneronne qu’à 60 ans, au décès de son mari que la maladie avait empêché de débuter l’exploitation de la propriété qu’ils avaient achetée.

Elle travaille sur un petit domaine de 7 hectares certifié agriculture bio, très orienté vers la biodynamie. Les sols sont gardés enherbés et labourés de façon traditionnelle. La plante et son environnement sont dynamisés par projection, à petites quantités, de préparations naturelles, types silice, ortie, achillée, assemblées de façon complexe, administrées en fonction du cycle des astres. Rien n’altère l’authenticité du terroir, ni désherbants, ni pesticides. En fin de maturation, des filets protègent les vignes contre la voracité des oiseaux.

Les vendanges manuelles par tries successives sont acheminées au chai dans des caissettes. Les raisins non égrappés sont pressés dans l’heure qui suit la cueillette et macèrent à basse température avant le débourbage. La fermentation alcoolique à température constante en barrique de chêne est arrêtée par sulfitage, pour garder environ 80 g de sucre résiduel pour la cuvée Marie Kattalin, dont l’élevage en barrique dure 18 mois. Les cuvées ne sont, ni levurées, ni acidifiées, ni flash-pasteurisées. Légère filtration, pas de collage avant la mise en bouteille.

 

Une longueur en bouche incroyablement persistante

Habillé d’une robe or franc, limpide et brillante avec quelques irisations vertes, ce Jurançon Marie Kattalin 2006, 100 % petit manseng, exhale des parfums opulents de fruits exotiques, ananas, mangue, fruit de la passion, végétales de verveine, vite sublimés par la truffe blanche. La bouche est envahie d’arômes de miel, de cannelle, de citron confit. La longueur harmonieuse, minérale est incroyablement persistante.

Ce vin d’une concentration, mais aussi d’une finesse et d’une pureté superlatives, sans aucune lourdeur, garde toujours une pointe d’acidité qui lui confère sa grandeur. Comme l’a bien analysé une de mes convives : «cela commence par une avalanche de douceurs et se termine par des flots de fraîcheur».

Le mariage de ce nectar avec la gastronomie doit éviter certains classiques du Jurançon : en apéritif, il écraserait tout autre vin lui succédant, les accords avec les cuisines exotiques, type sucré – salé, seront bancals, car le vin occuperait trop le devant de la scène. Incontestablement, le bel accord se fera avec une terrine ou un aspic de foie gras, son acidité tempère et allonge le foie, tout en conservant son caractère onctueux. Je serai plus réservé concernant les foies gras poêlés. Ensuite, il accompagnera, à l’instar des Sauternes, les fromages à pâte persillée : roquefort, fourme d’Ambert, etc, mais aussi un brebis des Pyrénées, type Ossau-Iraty, accompagné de confiture de cerise noire.

C’est surtout un merveilleux vin de dessert, il met en valeur une tarte aux mangues, un gâteau basque, des cannelés bordelais, une galette des rois, il divinise l’ananas rôti ou flambé, la mandarine givrée et yuzu acidulé.

Yvonne Hégoburu avait intitulé, en mémoire de son mari, une de ses cuvées : « Pour René ». Peut-elle lui rendre plus bel hommage qu’en façonnant ses magnifiques vins moëlleux qui n’ont aucun équivalent en puissance et originalité d’expression. n

Jurançon, Domaine de Souch – Cuvée Marie Kattalin 2006 Yvonne Hegoburu – 64110 Laroin
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