Domaine de la Bongran. Jean Thevenet. Quintaine 71260 Clessé

Il faut cependant tempérer cet enthousiasme frénétique pour les premiers crus de Meursault, Beaune, Pulligny et Chassagne Montrachet et pour leurs mythiques grands crus : Montrachet, Batard, Corton-Charlemagne, par le fait que peu de viticulteurs assurent une qualité irréprochable et constante et, que chez les très grands, les vins sont quasi inabordables par leur rareté engendrée par les faibles productions et la demande planétaire entraînant, pour la plupart, des tarifs prohibitifs même pour le commun des cardiologues.

Mais certains vignerons du Mâconnais, vignoble de l’extrême sud de la Bourgogne, en plein renouveau qualitatif, produisent des vins où le Chardonnay trouve ses expressions les plus opulentes grâce à un ensoleillement très favorable, si bien que le consommateur enregistrera beaucoup plus de satisfactions, à des prix nettement plus doux, qu’avec nombre de productions moyennes ou médiocres de Meursault ou Chassagne-Montrachet.

Le vignoble du Mâconnais dispose d’appellations régionales et de cinq appellations communales : les AOC Pouilly-Loché, Pouilly-Vinzelles, Saint Véran (parfois commercialisée sous le nom de Beaujolais blanc), Pouilly Fuissé et Viré-Clessé, les deux dernières offrant, à mon avis, les meilleurs potentialités qualitatives.

La famille Thevenet, implantée à Quintaine depuis le début du XVe siècle, produit sur le domaine de la Bongran (étymologiquement : bon grain, terre donnant du bon raisin) des vins superbes d’une typicité très particulière, différente des Mâcons blancs classiques, car ils sont issus de vendanges récoltées tard, très mûres, conservant un peu de sucre résiduel. Jean Thevenet vient de passer le flambeau à son fils Gautier qui entend bien garder les mêmes techniques de culture et vinification qui ont fait la réputation du domaine.

La vigne pousse sur un terrain argilo-calcaire et marneux où le sous-sol affleure les ceps qui font l’objet d’une taille hivernale sévère et de soins naturels méticuleux, la propriété étant en cours de confirmation biodynamique.

La récolte est manuelle avec des rendements faibles de 30 à 35 hl/hectare. Le Viré-Clessé tradition est produit principalement sur le remarquable terroir du Clou à Quintaine.

Sa fermentation est réalisée en cuve epoxy le plus naturellement possible, le vin étant ensuite transvasé pour un élevage long sur lies fines en cuves inox pendant 18 à 24 mois.

De façon étonnante, les barriques de bois ne sont jamais utilisées. Ne sont pas réalisés bâtonnage, collage ou acidification. Avant la mise en bouteille, une filtration légère préserve l’équilibre naturel et assure une netteté parfaite.

Les Thevenet ont ainsi la sagesse de ne proposer leurs vins, avec quelques années de décalage, que lorsqu’ils l’estiment prêts à la dégustation.

Le Viré-Clessé 2002 du domaine de la Bongran fait miroiter dans le verre, une belle robe or pâle cristalline et brillante. Le nez explosif et complexe laisse d’abord s’exprimer la note classique du Chardonnay (brioche beurrée), puis exhale des parfums impétueux de fruits mûrs (poire rotie, pêche jaune), de fleurs (genets, de miel séché), d’épices (poivre, curry). Sa bouche extrêmement concentrée, luxuriante, huileuse et satinée inonde le palais de truffes, miel, agrumes, se prolongeant dans une caudalie immense par des notes de fruits secs et grillés : amandes, noisettes.

La présence de sucres résiduels, qui peut heurter certains, explique la richesse et la complexité de ces arômes et parfums mais ne perturbe en rien l’équilibre parfait de ce vin grâce à ses belles acidités et minéralités.

Les Mâcons blancs offrent de très nombreux et variés accords culinaires. Les Mâcons simples d’appellation régionale peuvent être servis en apéritif, avec des radis noirs à la fleur de sel sur pain grillé ou des filets de thon germon citronnés.

Ils s’accordent parfaitement avec des coquillages, crustacés, tourteaux, crevettes ou langoustines mayonnaises et accompagnent gaillardement la cervelle de canut aux herbes, les chèvres du Mâconnais, le crottin de Chavignol.

Mais la richesse et la complexité du domaine de la Bongran autorisent et appellent des alliances plus subtiles ou inattendues.

Des quenelles de brochet subliment le côté brioché. Une blanquette de veau crémée, un sauté de veau au safran et citron confit, une truite aux amendes l’accueilleront avec volupté.

Mais les mariages les plus aboutis se feront avec des noix de Saint Jacques aux truffes, une tourte aux homard et asperges, des volailles à la crème et aux morilles et tout particulièrement la fameuse poularde demideuil de la mère Brazier.

Pour apprécier pleinement ce grand vin, Carafez-le au minimum 1/2 heure avant de le servir à 12°.

Je tiens enfin à signaler que les Thevenet élaborent, dans les années favorables, une petite merveille : la cuvée Botrytis prenant le contre-pied des vieux Bourguignons qui affirmaient qu’il était impossible d’obtenir de la pourriture noble à partir du Chardonnay. Ils sont probablement les seuls à réaliser cet exploit et à hisser un vin de Bourgogne au firmament des grands liquoreux.

à consommer avec modération. L’abus d’alcool est dangereux pour la santé.

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