Moorea, Bora-Bora, Tuamotu, ces perles du Pacifique fascinent à l’image du paradis : beauté légendaire des plages de sable blanc, parfums envoûtants des fl eurs tropicales, charme indolent des farés, douceur des danses chaloupées des vahinées à la longue chevelure d’ébène, magnificence des couleurs lorsque, à l’horizon, se confondent mer et ciel dans une symphonie toujours renouvelée de turquoise, d’émeraude, de vert jade et de saphir…
Mais savez-vous qu’à Rangiroa, un groupe de passionnés a relevé le pari fou d’implanter un vignoble et est en passe de le réussir ? Dominique Auroy, entrepreneur français installé à Tahiti et grand oenologue, conseillé par Bernard Hudelot, viticulteur en Côtes-de-Nuits, enseignant à la faculté, s’est jeté dans cette aventure rocambolesque. Après des études approfondies sur les cycles phénologiques (Etude de l’influence des climats.)], les données météorologiques, les facteurs édaphiques([Relatif à l’étude des sols)], il a créé son vignoble sur un motu ([Récif corallien)] situé à 5 km de la passe d’Avatoru, dont il a confié l’exploitation à un jeune oenologue bourguignon, Sébastien Thepenier. Les difficultés prévisibles étaient, à l’évidence, majeures et toutes les bases de la vinifi cation ont dû être repensées, adaptées, modifi ées en fonction des conditions climatiques extrêmes pour obtenir des vins réellement uniques.
La sélection des cépages
Le problème le plus ardu fut de sélectionner des cépages adaptés à ces conditions hors normes. Une cinquantaine furent d’abord testés, aucun des cépages internationaux classiques ne put s’acclimater et, actuellement, seuls, le cépage Carignan pour les rouges et les blancs, le muscat de Hambourg pour les rosés et l’Italia pour les blancs moelleux ont été retenus.
Un travail colossal sur ce domaine de douze hectares permet de produire 50 à 60 000 bouteilles annuelles sur un sol uniquement composé de débris de corail blanc enrichi par du compost végétal au pied de chaque plant. L’eau, indispensable en période de sécheresse, c’est-à-dire plus de dix mois par an, est amenée par une dizaine de puits alimentés par l’énergie solaire qui pompent la lentille d’eau douce affl eurant la surface du lagon.
Si le gel n’est pas à craindre, l’atoll, culminant à 4 m de hauteur, est facilement submergé par les vagues, si bien que chaque rang de vigne est protégé, tant bien que mal, par des cocotiers, papayers et bougainvillées. L’air salin éradique toutes les maladies cryptogamiques : phylloxera (les ceps sont franc de pied, sans porte greffe), mildiou, oïdium, mais les ennemis sont autres : nématodes, crabes de cocotiers, scarabées géants, voire cochons sauvages, contre lesquels il faut utiliser toutes sortes de subterfuges.
Le motu n’est évidemment accessible que par bateau et tous les travaux (soins, vendanges) ne peuvent être que manuels. De la même façon, le raisin vendangé est transporté dans des caissettes ajourées par bateau jusqu’au chai dans l’île de Rangiroa.
Les vins sont déclinés en rosé, ni pire ni meilleur que les classiques rosés provençaux, en rouge, qui ne m’a pas franchement enthousiasmé, trop acide avec des tanins rêches, et en blancs qui sont, eux, à mon avis, fort dignes d’intérêt.
Un blanc digne d’intérêt
Le blanc sec est issu du cépage carignan rouge, vinifi é en blanc, récolté avant complète maturité, pour lui garder toute sa fraîcheur et acidité. Les raisins sont pressurés pneumatiquement, mis en cuve thermorégulée pour le débourbage et la fermentation. L’élevage est effectué pendant un an en fûts de chênes du Limousin avec fermentation malolactique, pas d’acidifi cation, peu de chaptalisation.
Le blanc sec été austral 2006 fait miroiter une robe dorée brillante aux reflets jaune pâle et exhale de belles notes d’agrumes : citron, pamplemousse avec d’intenses fl aveurs exotiques très originales qui seraient dues au terroir corallien : ananas, mangue, vanille ; on appréciera en bouche ses caractères vifs nerveux, sa forte minéralité, ses saveurs anisées. A l’évidence, ce vin se mariera idéalement avec les produits de la mer que la Polynésie nous offre : vivaneau grillé, mahi-mahi au lait de coco, perroquet sauce gingembre, gratin de bénitier, mais l’accord princier se fera avec les magnifi ques langoustes tropicales que l’on trouve encore en abondance.
Par contre, les grands classiques polynésiens : tartares, carpaccio, poissons crus à la Tahitienne s’accorderont mieux avec l’autre blanc, dit de corail, plus acide et primesautier. Ces vins, distribués en métropole, peuvent être commandés sur le site [www.vindetahiti.pf.(gallery)
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